Chaque année, le cancer du sein touche plus de 6 500 femmes en Suisse. Environ 1 400 en décèdent. Sa détection précoce est donc primordiale. En 2011, le gynécologue allemand Frank Hoffmann a développé une technique permettant aux personnes non voyantes de contribuer au dépistage de cette maladie. En Suisse, l’association « pretac+ » forme des examinatrices aveugles et malvoyantes à cette technique.
Cette méthode se base entièrement sur la sensibilité du toucher des personnes déficientes visuelles et se nomme « Discovering hands ». Cette technique se concentre uniquement sur le dépistage de masse et non sur un diagnostic. Celui-ci ne sera établi que par le médecin. Cette méthode complémentaire est certifiée et pratiquée dans de nombreux pays tels que l’Allemagne, l’Autriche et l’Inde. Elle est soutenue par des études cliniques.
Pour pratiquer cette technique, l’examinatrice commence par l’anamnèse complète de l’historique gynécologique de la patiente et/ou femme volontaire. Les questions concernent uniquement la santé des seins. L’examen débute en position assise puis en position allongée pour que l’examinatrice pratique la palpation mammaire.
Ensuite, l’examinatrice demande à celle-ci de se coucher pour placer des bandes autocollantes sur la poitrine. Ces dernières servant à délimiter les zones et à mesurer d’éventuelles masses.
Dès que l’examen est terminé, l’examinatrice informe la volontaire s’il est nécessaire d’aller consulter un gynécologue. Dans tous les cas, les informations récupérées lors de cet examen seront transmises au médecin. Cette technique permet éventuellement de détecter une masse. Lorsque cet examen est pratiqué dans un cabinet médical et en cas d’anomalie palpée, les informations de l’examinatrice seront transférées au gynécologue de la volontaire ou de la patiente, si celle-ci l’autorise. Si cet examen est réalisé dans un cabinet de gynécologie, celles-ci seront transmises au gynécologue.
Rencontre avec Suzanne Lucchese, examinatrice de « pretac+ » à Genève
Avant d’intégrer l’association, Suzanne Lucchese, malvoyante, a pratiqué en tant que masseuse et téléopératrice à la direction des télécommunications de Lausanne. Lorsqu’on lui a proposé de suivre cette formation, elle était plutôt réticente. En effet, elle n’aime pas annoncer les mauvaises nouvelles. Mais ce qui lui a fait changer d’avis, c’est son échange téléphonique avec Chrystèle Schoenlaub, la directrice de « pretac+ ». Celle-ci lui a expliqué que le but n’était pas de poser un diagnostic.
L’examinatrice informe la patiente ou la volontaire de l’anomalie palpée et lui recommande de prendre rendez-vous auprès de son gynécologue. Ce dernier est le seul à pouvoir décider si des investigations complémentaires sont nécessaires. L’examinatrice permet ainsi de renforcer la détection des masses.
Suzanne a donc accepté la proposition, car elle aime se sentir utile. Les difficultés de ce métier sont multiples selon Suzanne : « Au départ, il est compliqué de positionner les bandes correctement, mais cela s’apprend lors de la formation bien qu’il puisse y avoir des contraintes avec les poitrines fortes et tombantes. Il n’est également pas évident de différencier les glandes mammaires enflées avec une masse, mais cela s’acquiert avec le temps. Néanmoins, la palpation ne peut pas être pratiquée quand la volontaire souffre trop ou qu’elle vient de subir une séance de chimio ou des radios. »
Lorsque Suzanne détecte une masse, elle informe immédiatement la patiente, tout en la conseillant d’aller voir son gynécologue ou, si elle n’en a pas, de se rendre dans un hôpital ou dans un centre du cancer du sein. Pour le moment, il n’est pas encore possible de vivre de ce métier, car ce n’est qu’un projet. Mais, évidemment, c’est le but que l’association « pretac+ » souhaite atteindre.
Message
« Mesdames et messieurs, n’ayez pas peur de prendre soin de votre santé en pratiquant des mammographies, car même si le résultat peut vous inquiéter, notre mission est de vous aider un maximum. Je dis cela également aux messieurs, car, même si le pourcentage est faible, vous risquez aussi de contracter ce cancer. Je vous conseille aussi de sensibiliser un maximum votre entourage concernant cet examen. Je voudrais dire aux médecins de ne pas avoir peur de nous engager dans leur cabinet, car nous avons tous le même objectif : la détection du cancer.
Je trouve que “pretac+” apporte deux avantages majeurs : en premier lieu, cette méthode permet d’apporter plus de confort aux femmes, car elle est moins invasive et plus douce que la méthode traditionnelle. Deuxièmement, l’association offre aux personnes atteintes de cécité des opportunités de travailler. Il y a en moyenne en Suisse 102 000 personnes aveugles ou malvoyantes en âge de travailler. Malheureusement, elles arrivent difficilement à trouver un emploi. J’espère que d’autres personnes dans ma situation oseront faire cette formation qui est juste extraordinaire ! », souligne Suzanne Lucchese.
Témoignage d’une volontaire suite à l’examen
« J’ai ressenti qu’on était bien accueilli, ce qui fait que je n’avais aucune angoisse. On est mis en confiance. Il n’y a pas de jugement. J’ai trouvé l’examinatrice très douce, attentionnée et empathique. Elle était également à l’écoute pour savoir si c’était douloureux. Je me suis réellement sentie à l’aise. La table chauffante était un kif total ! C’est super intelligent de l’avoir mise, car j’avais peur d’avoir froid. Je suis honorée de pouvoir contribuer à ce projet pilote. J’espère que beaucoup de monde y participera pour pouvoir aller de l’avant. »
Comment se former à la méthode « Discovering hands » ?
L’association « pretac+ » propose une formation considérée pilote, entièrement destinée à des personnes aveugles ou malvoyantes autonomes. Celles-ci doivent être capables de se débrouiller entièrement seules sans aucune assistance, avoir une grande sensibilité du toucher, une bonne mémoire, concentration et être à l’aise avec l’informatique. La formation dure 700 heures. Le programme théorique leur enseigne des connaissances sur les cellules et les différentes catégories de tumeurs, bénignes ou malignes. Dans la partie pratique, les futures examinatrices s’exercent sur un mannequin, puis sur des volontaires.
Elles passent un examen théorique. S’il est concluant, elles pourront effectuer des stages dans le domaine médical avant de finaliser l’examen pratique pour clôturer leur formation. Les candidates consultent énormément de dossiers sur leur ordinateur à l’aide d’un clavier spécial en braille et d’une synthèse vocale.
Le plus dur dans cette formation est de trouver des médecins qui acceptent de collaborer. La méthode de palpation « Discovering hands » demeure cependant un excellent complément à la médecine traditionnelle, mais ne remplace en aucun cas les techniques standards pour établir un diagnostic.
Le cancer du sein
Le cancer du sein reste la première cause de mortalité chez les femmes en 2023 avec le cancer de l’ovaire. Actuellement, 10 % des cas de cancer du sein sont diagnostiqués chez les femmes âgées de moins de 35 ans et 20 % avant 50 ans. Le cancer du sein se répand le plus fréquemment à partir de 60 ans et 50 % sont diagnostiqués entre 50 et 69 ans. Enfin, 28 % de ceux-ci sont diagnostiqués chez les femmes de plus de 69 ans. L’obésité augmente les risques d’avoir cette maladie. Depuis les années 1980, le taux d’obésité a doublé de volume dans le monde. Il est prouvé que 16 % des cancers du sein sont liés au surpoids. Près de 1/4 des cancers du sein sont diagnostiqués chez des femmes qui ne représentaient au premier abord aucun risque de déclencher cette maladie. Il existe aussi un risque héréditaire de développement du cancer du sein L’abus d’alcool, la consommation de tabac abusive et le manque d’activité physique peuvent également favoriser l’apparition de ce cancer.
Comment est-il détecté ?
Pour commencer, il est possible de prendre rendez-vous chez un gynécologue ou chez un médecin afin qu’il pratique une palpation mammaire pour établir un premier diagnostic. Ensuite, s’il y a des risques de cancer, le praticien peut décider d’envoyer la patiente faire une mammographie de dépistage et éventuellement une échographie. La mammographie permet de détecter des tumeurs microscopiques qui n’auraient pas été palpées. Cette pratique peut représenter un inconfort chez la personne examinée.
Campagne de sensibilisation
Une campagne annuelle est instaurée en 1985 sous le nom d’« Octobre rose ». Elle s’étale sur tout le mois d’octobre. Elle a pour mission de sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein, mais également de récolter des fonds pour la recherche. L’une des initiatives instaurées durant cette période est « un carac pour la bonne cause ». Elle a été lancée en 2022 par Mélanie Tanner, ayant survécu à un cancer du sein. En Suisse romande, plus de 100 confiseries, pâtisseries et boulangeries s’engagent dans la sensibilisation du cancer du sein. 25 000 caracs roses ont été vendus en octobre 2022. Certaines infrastructures ont explosé leurs chiffres de vente grâce au carac rose. Cette pâtisserie fait un clin d’œil à une poitrine avec ou sans cicatrices. Elle a attiré des milliers d’amateurs de chocolat. 50 centimes par carac vendu sont versés à l’association OSE Thérapies. Celle-ci a pour mission d’accompagner les personnes atteintes de cancer avec des activités adaptées. Mélanie Tanner est bénévole dans cette association. Cette cause a beaucoup touché le public directement ou indirectement.
La Fondation Foyer-Handicap a, elle aussi, été active durant l’« Octobre rose ». La boutique « 7Extra by fh » a proposé des caracs roses. Ils étaient également présents dans le café gourmand du « Café-restaurant Ô5 by fh ».
Pour en savoir plus
https://www.cancer-environnement.fr/fiches/cancers/cancer-du sein/