Le quotidien des personnes sourdes et malentendantes

Le quotidien des personnes sourdes et malentendantes

Par Miguel

La surdité et la malentendance désignent une diminution partielle ou totale de la capacité à percevoir les sons. Ces troubles auditifs peuvent être présents dès la naissance ou survenir au cours de la vie. En Suisse, environ 11,5 % de la population est atteinte d’une surdité, dont 50 % portent un appareil auditif.

Pour les personnes sourdes ou malentendantes, le quotidien est souvent marqué par des défis importants dans la communication, l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la vie sociale. Ces obstacles ne sont pas uniquement liés à leur déficience auditive, mais aussi à un manque d’inclusion et de compréhension de la société. Comment vivent-elles au jour le jour ? Quels sont les principaux freins qu’elles rencontrent, et quelles solutions existent pour améliorer leur qualité de vie ?

J’aborderai dans un premier temps les défis majeurs auxquels ces personnes sont confrontées, avant d’explorer les ressources et stratégies mises en place pour favoriser leur inclusion.


I. Les défis du quotidien

    Communication, un effort constant

    Les personnes sourdes et malentendantes fournissent plus d’efforts et d’énergie à écouter les autres que les personnes entendantes. Il faut un travail mental intense afin de retenir les paroles de son interlocuteur telles que de lire sur les lèvres, analyser les expressions faciales ou même de demander de répéter ou reformuler des phrases. Cela peut mener à des frustrations et des rejets de la part de l’interlocuteur s’il ne sait pas s’adapter.

    Certaines personnes atteintes d’une surdité ont besoin de la langue des signes. Malheureusement, celle-ci crée une barrière linguistique pour les personnes entendantes. Très peu de gens réalisent que la langue des signes est une langue vivante avec sa propre syntaxe et grammaire.

    De plus, l’absence d’interprètes dans les institutions ou les évènements ainsi que le manque de sous-titrage dans les médias et les services publics limitent énormément l’accès à l’information.

    Éducation et emploi, un parcours difficile

    L’accès à l’éducation est souvent injuste pour les personnes sourdes et malentendantes. Certaines d’entre elles fréquentent une institution spécialisée pour les personnes atteintes d’une surdité, mais d’autres suivent leur scolarité dans une école ordinaire.

    Les enseignants non formés, l’absence d’interprètes de la langue des signes et le manque du matériel comme les micros-cravates ou les boucles magnétiques génèrent une grande difficulté pour les personnes sourdes et malentendantes de suivre les cours.

    Dans le monde du travail, la situation est identique. Les personnes atteintes d’une surdité ont de la difficulté à être embauchées et s’y intégrer. Les employeurs craignent souvent, à tort, que les personnes sourdes ou malentendantes ne puissent pas s’adapter au rythme du travail exigé et qu’elles manquent de la communication efficace. De plus, peu de structures au travail sont adaptées pour les personnes sourdes et malentendantes telles que les environnements moins bruyants, les réunions sous-titrées, les collègues ou employeurs formés à la LSF.

    Vie sociale et culturelle, un risque d’isolement

    L’absence d’interprètes ou un manque d’accessibilité des sous-titres dans les évènements culturels, sportifs ou loisirs constitue un frein à la participation pour les personnes sourdes et malentendantes. Le cinéma, les concerts, les conférences ou encore les musées sont souvent peu, voire pas du tout accessibles à ceux qui ne peuvent pas entendre.

    Ce manque d’inclusion peut entraîner un isolement progressif. Dans la sphère privée, la communication avec les proches peut également être source de malentendus ou de tensions. Une mauvaise interprétation des propos, due à une lecture labiale imparfaite ou une mauvaise compréhension, peut nuire aux relations familiales ou amicales.


    II. Ressources et solutions existantes

    Technologies d’assistance : une révolution au service de l’autonomie

    Il existe actuellement des innovations technologiques qui améliorent la qualité de vie pour les personnes atteintes de surdité et malentendantes.

    Les appareils auditifs et implants cochléaires sont aujourd’hui plus discrets, performants et connectés. Ils permettent à de nombreuses personnes de mieux percevoir les sons et d’interagir plus facilement dans un environnement bruyant.

    Les applications de transcription vocale (comme Ava, Live Transcribe ou RogerVoice) convertissent instantanément la parole en texte, ce qui facilite les échanges en temps réel, notamment dans un cadre professionnel ou administratif.

    Le sous-titrage automatique des vidéos, de plus en plus répandu sur les plateformes comme YouTube ou Zoom, représente une avancée majeure. Certaines visioconférences intègrent désormais directement des interprètes en langue des signes (LSF), rendant les réunions plus accessibles.

    Éducation et sensibilisation

    Pour qu’une société soit réellement inclusive, l’éducation joue un rôle essentiel.

    Certains cantons suisses proposent désormais l’apprentissage de la langue des signes (LSF/LSF-CH) dès l’école primaire, permettant aux élèves entendants de mieux communiquer avec leurs camarades sourds.

    Des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées dans les écoles, les entreprises et les médias pour déconstruire les stéréotypes sur la surdité. Ces campagnes insistent sur la diversité des parcours et des identités au sein de la communauté sourde.

    L’engagement des associations

    Les associations jouent un rôle fondamental dans la défense des droits, l’accompagnement et la création de liens sociaux.

    Des organisations comme la Fédération suisse des Sourds (FSS), Forom Écoute ou encore l’Association suisse des parents d’enfants déficients auditifs (ASPEDA) œuvrent pour une société plus inclusive. Elles proposent des formations, des services d’interprétation, du soutien psychologique et juridique.

    De nombreuses initiatives locales voient aussi le jour : par exemple, à Genève, une médiathèque organise des ateliers en LSF ouverts à tous, et un théâtre lausannois propose désormais une programmation avec interprétation en langue des signes.


    Témoignages/Interview

    Rencontre avec Daniela : vivre avec une surdité invisible

    Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous une rencontre qui m’a profondément marqué. J’ai eu l’opportunité d’échanger avec Daniela, une collègue engagée au sein de la Fondation, qui a accepté de témoigner sur son vécu en tant que personne malentendante.

    Dès les premières minutes, j’ai été touché par sa sincérité, sa douceur, mais aussi par la force tranquille qu’elle dégage. Daniela nous parle sans filtre de ses difficultés quotidiennes, que ce soit dans sa vie sociale, professionnelle ou personnelle. Elle évoque notamment le sentiment d’isolement, l’incompréhension dans les échanges en groupe, et ce malaise que peuvent ressentir les personnes malentendantes lorsqu’on oublie d’adapter sa communication.

    Ce qu’elle souligne avec justesse, c’est que la malentendance est un handicap invisible. Et c’est là tout le problème : beaucoup pensent qu’il suffit de parler plus fort, alors qu’en réalité, ce qui aide le plus, c’est de parler plus lentement, de bien articuler, de se montrer attentif.

    Son témoignage a fait écho à ma propre expérience. Étant moi-même malentendant de naissance, je me suis reconnu dans plusieurs de ses récits. L’isolement, le sentiment de ne pas être compris, la fatigue de devoir toujours faire l’effort de suivre les conversations… Tout cela fait malheureusement partie de notre quotidien.

    Mais au-delà des difficultés, ce qui m’a le plus marqué chez Daniela, c’est sa résilience. Malgré les obstacles, elle avance, elle s’adapte, et elle continue de bâtir sa place dans un monde pas toujours pensé pour elle. Daniela nous partage que ses enfants sont une source de son bonheur et de sa force.

    Son histoire mérite d’être entendue, parce qu’elle nous rappelle l’importance d’écouter autrement, d’ouvrir nos esprits et nos cœurs aux réalités invisibles.

    Témoignage de Tanya Sebaï : Une infirmière courageuse

    J’ai également rencontré Tanya Sebaï, infirmière née sourde profonde et porteuse d’un implant cochléaire. Son parcours est impressionnant : elle a surmonté des obstacles scolaires et sociaux pour réaliser son rêve de travailler dans la santé.

    Aujourd’hui, elle accompagne les patients sourds aux HUG, facilite la communication avec les équipes soignantes et forme les professionnels à la surdité. Elle souligne l’importance de l’adaptation, de la patience et de la langue des signes, et montre que la surdité n’empêche en rien la compétence et la passion dans un métier exigeant.

    Son message aux jeunes sourds : oser, persévérer, croire en soi. Pour le grand public : découvrir la langue des signes et mieux comprendre la culture sourde.

    Tanya est un exemple de courage et de résilience qui m’inspire profondément. Son parcours rappelle que les obstacles peuvent devenir des forces lorsque l’on suit son cœur.


    Conclusion

    Grâce aux technologies, à l’éducation inclusive et à l’action des associations, le quotidien des personnes sourdes et malentendantes s’améliore progressivement. Mais pour que l’égalité d’accès devienne une réalité, l’engagement collectif reste indispensable. La surdité ne doit plus être perçue comme un obstacle, mais comme une richesse à intégrer pleinement dans la diversité de notre société.