« Regards croisés sur le handicap », comprendre et combattre les préjugés

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En famille, aux études, en emploi, de nombreuses discriminations existent contre les personnes en situation de handicap. Afin d’en comprendre les raisons et de donner les moyens de mieux les combattre, huit étudiants qui ont suivi le cours « Comprendre et combattre les préjugés » à l’Université de Genève ont eu l’occasion de participer à un atelier de photographie donné par Denis Ponté. Ces étudiants ont fait le reportage — photographique — de leur découverte du monde du handicap, physique ou mental. Leur fréquentation les a invariablement conduits à déconstruire les réflexes de défiance envers ces autres si semblables.

Les étudiants se sont rendus dans différents lieux de la Fondation Foyer-Handicap. Des séances collectives où chacun a pu échanger au sujet de son travail ont été organisées. Ils ont donné un titre à leur reportage et ont rédigé une note d’intention.

Leur travail a été exposé du 21 novembre au 9 décembre à Uni Mail.

Témoignages de Jessica, Sara-Lenia et Justine, trois étudiantes ayant participé au projet

 

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Jessica Rodrigues est âgée de 23 ans. Elle est originaire du Tessin et du Portugal. Elle étudie à Genève depuis 4 ans. Elle fait un master en communication digitale et journalisme.

Elle a choisi de suivre ce cours qui ne faisait pas partie de son cursus de formation en communication multilingue, car elle a une passion pour la photographie, mais plutôt orientée sur les paysages.

Ce projet représente le challenge de s’orienter sur les personnes et donner une histoire à ses photos et de s’adapter à l’environnement.

« Je voulais aussi donner une voix à des préjugés sur le handicap et démontrer que tout le monde ne pense pas la même chose. Je désire donc comprendre et combattre ces préjugés ! »

Jessica s’est rendue deux fois dans le secteur horticulture situé à Cressy : « Je voulais faire des photos en lien avec la nature. » Elle s’est également déplacée au Café-restaurant Ô5 pour prendre des photos de l’équipe en plein travail : « Je me suis sentie comme une petite intruse. C’était un défi pour moi de photographier des personnes en pleine activité, de discuter avec elles et d’entendre leur histoire de vie. »

Elle a intitulé son travail « Soin ».

« Ce sont des personnes qui s’impliquent, montrent du dévouement et prennent soin de leur travail. En même temps, ces personnes le font avec leur chemin de croissance personnelle. Leur handicap ne doit pas les définir. J’apprécie vraiment que la Fondation Foyer-Handicap et l’Université de Genève m’aient donné l’occasion d’aller sur le terrain rencontrer les personnes et de transmettre mon point de vue à travers la photographie. Je voulais montrer qu’à travers l’activité on arrive à obtenir un résultat final. J’ai été impressionnée par certaines activités, notamment, un employé qui dessinait à l’ordinateur en dirigeant le curseur avec son menton. Ce qui me touche le plus est qu’ils n’ont eu aucun problème à exprimer leur parcours et leur histoire de vie, malgré la présence de mon appareil photo. »

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Sara-Lenia Kramer est âgée de 30 ans. Elle est étudiante en psychologie. Il s’agit d’une reconversion après avoir travaillé dans la communication.

« La thématique du handicap me touche particulièrement, essentiellement parce que cela fait trois ans que je travaille, en parallèle à mes études, avec des adolescents en situation de handicap. »

Sara-Lenia s’est immiscée dans le quotidien des collaborateurs et collaboratrices de la cuisine et de la salle du Café-restaurant Ô5.

« Je faisais attention de ne pas être trop intrusive tout en essayant de créer un lien authentique pour que ces personnes me parlent de leur activité et me dévoilent un peu de leur intimité. J’ai apprécié l’accueil très simple et très sympa, ainsi que les rencontres. Je peux maintenant, de manière légitime, dire aux jeunes en situation de handicap avec qui je travaille qu’il y a des endroits super pour leur avenir professionnel. On rigole, on s’y sent bien et on a des responsabilités valorisantes. C’est un véritable travail avec un rôle au sein d’une communauté. Il en ressort une véritable fierté de chaque personne, un très grand professionnalisme et beaucoup de savoir-faire. »

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Justine De Vettor est âgée de 24 ans. Elle est étudiante en psychologie depuis 4 ans à Genève.

Elle a choisi de suivre ce cours à option, car depuis son enfance elle adore prendre des photos, principalement de ses copines et des paysages.

« C’était l’opportunité de me perfectionner et d’avoir l’occasion de photographier des inconnus autour d’un projet. C’est ce double challenge qui m’intéresse ».

Elle s’est rendue dans les secteurs horticulture à Cressy et broderie à l’atelier du Petit-Lancy.

« J’ai beaucoup apprécié d’aller à la rencontre des personnes dans ces deux lieux. Je me suis sentie comme une petite souris qui se faufile dans un petit morceau de la journée de ces personnes. J’aime bien discuter et écouter les gens, alors c’était chouette d’entendre un peu leurs histoires. »

Justine intitule son projet « De la graine aux pétales ».

« J’ai été très émue par les personnes que j’ai rencontrées, dans leur implication et le sens qu’elles mettaient dans leur travail. Elles investissent leurs ressources par souci de bien faire. En discutant avec elles, très vite on comprend la manière dont elles se sentent chanceuses de pouvoir travailler, créer avec leurs mains et laisser libre cours à leur créativité. C’est ce que j’essaie de faire transparaître sur les photos. Cette minutie et cette émotion dans le dépassement de soi qui prend vie au contact des plantes ».

Préjugés : constat et futur

Pour Jessica, il s’agit de sa première expérience avec des personnes en situation de handicap : « Je me suis rendu compte que souvent les gens associent le handicap à quelque chose de physique. Mais il peut également être invisible et il faut donner les moyens et les possibilités à ces personnes d’être reconnue comme handicapées. Le handicap n’est pas un obstacle, mais un défi. Cela ne sera pas un parcours toujours facile, mais je ne veux pas que seul le handicap définisse ces personnes. Pour l’avenir, j’aimerais utiliser ma formation universitaire pour donner la parole à ces personnes et combattre les préjugés. J’espère que les entreprises vont adapter leurs entretiens d’embauche afin que le handicap ne soit pas un obstacle. J’ai constaté que c’est faisable et qu’il ne faut pas s’arrêter aux préjugés. »

Pour Sara-Lenia, les discriminations proviennent d’une incompréhension et un manque de connaissance et d’information : «Les gens ne veulent pas chercher ou aller se confronter à l’inconnu. Il y a une tendance à mettre les gens dans des cases. C’est dommage de ne pas aller un peu plus loin. L’information, dont l’exposition de notre travail, peut contribuer à montrer qu’il n’y a pas de barrières qui séparent le monde du handicap et celui des valides, tout va ensemble. Les clés sont l’information, la visibilité et la communication ! »

Pour Justine, les préjugés et les discriminations sont encore plus présents de ce qu’elle imaginait : « La société est organisée pour qu’on ne les remarque pas tout de suite, mais ils existent dans notre environnement. Nous n’en sommes pas conscients. Nous pensons bien faire, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut s’intéresser et aller à la rencontre de ces personnes “invisibilisées”. Ce projet m’a forcée à aller vers ces personnes. Il faut passer outre ses craintes d’être intrusif et maladroit. Ça permet de déconstruire le monde imaginé dans notre tête. Si nous changeons de perspective, ce sont un grand nombre de situations non adaptées qui créent la situation de handicap. ».

Ce qui m’a aussi beaucoup marquée, c’était vraiment la chance que ces personnes disaient d’avoir un travail. Elles étaient vraiment émues d’en parler et d’exprimer à quel point elles se sentent bien, épanouies et utiles.

Cela change de certaines personnes qui ont un accès au travail plus facile, et le considère comme une corvée.

Pour la suite, je prévois d’aller faire des shootings photo dans l’EMS où travaille ma mère. Apparemment les personnes apprécient et elles ont peu d’activités les après-midis. »

 

Vos photos préférées

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Photo de Jessica Rodgrigues

Jessica : « Faire une activité, se rendre utile, renaître. Avec le travail, la vie prend ainsi du sens. »

 

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Photo de Rita Bajrami

« Je retrouve ici les deux côtés de la dépression. »

 

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Photo de Sara-Lenia Kramer

Sara-Lenia : « La composition est visuellement intéressante, je retrouve la transparence. Elle me paraît importante dans cette thématique des préjugés et de la visibilité du handicap, il faut être transparent. »

 

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Photo d’Alexandre Grégoris

« Le lien avec l’autre qui est le reflet de nous-même. »

 

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Photo de Justine de Vettor

Justine : « J’aime la composition des couleurs flash : le vert, le jaune et le rouge. La dame ressort bien des 2 autres plans flous. Elle est imperturbable et hyperconcentrée dans son travail. Elle est super jolie ! Ça inspire la tranquillité et la concentration. Elle semble passionnée et investie dans sa tâche, mais pas stressée. »

 

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Photo de Rita Bajrami

« J’apprécie toutes les photos réalisées par Rita Bajrami. Elles sont différentes des autres. Elles sont très travaillées, dans le mouvement et jouent sur les couleurs. Elle aménage l’espace pour faire ressortir ce qu’elle veut montrer. Elle avait son idée en tête et a travaillé la photo pour la faire ressortir »