Dans la peau du rhinocéros noir

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Bonjour Synergies, je viens pour mon interview.

Je suis Koffi, un rhinocéros noir habitant en Afrique. Mes quatre cousins éloignés font partie de la même espèce. Je suis triste de vous dire que nous avons perdu, depuis le 11 novembre 2011, notre cher ami le rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest. Je fais partie des big five, comme mes confrères le buffle, le léopard, l’éléphant d’Afrique et le lion. C’est-à-dire que nous sommes souvent chassés par les humains qui se font de jolis trophées avec nos cornes ou notre peau. Ma femme vient du nord de la Tanzanie. Mes beaux-parents, quant à eux, viennent d’Afrique du Sud. Mes parents habitent au Zimbabwe, mon frère vient du Mozambique et ma sœur vient de la Zambie.



La longueur de mon corps peut atteindre 3,5 mètres. Au garrot (une zone de mon corps à la jonction du cou et du dos), j’atteins les 1m60. Je pèse entre 800 et 1500 kg. Mon frère détient le record : il pèse 2896 kg ! Je suis cependant l’un des plus petits rhinocéros africains. J’ai deux cornes : celle de devant peut mesurer un mètre. Quand je cours, je peux atteindre les 50 km/h. Ma lèvre supérieure est digitiforme, c’est-à-dire qu’elle a la forme d’un doigt. Elle est ainsi adaptée pour arracher les feuillages. J’ai un excellent odorat, ainsi qu’une parfaite ouïe. Mes yeux ne me sont pas vraiment utiles, car j’ai une très forte myopie. En effet, j’ai beaucoup de mal à reconnaître une forme à 20 mètres.


 

Mon mode de vie

J’apprécie beaucoup la solitude. J’aime vivre au crépuscule et j’ai une vie sexuelle très active. Mes journées consistent à faire des siestes à l’ombre. Je passe aussi énormément de temps à faire des bains de boue.

Mon alimentation est principalement composée de branchages, y compris des acacias, dont j’arrache les feuilles. Pour votre information, chers humains je ne broute pas d’herbe : si vous croyez que je suis en train de paître, c’est qu’en fait j’adore arracher des plantes ligneuses. Je peux également avaler, sans le moindre souci de me faire piquer, des branches remplies d’épines.

Avec ma femme, nous sommes ensemble uniquement pendant quelques jours durant le rut, une période d’activité sexuelle durant laquelle nous nous accouplons. L’accouplement peut durer plus d’une heure. C’est de là que vient notre réputation…

Je marque mon territoire avec mes urines et mes déjections. Normalement, je suis calme envers mes proches qui ne résident pas trop loin de mon habitation. Il arrive que je puisse voir mon frère jumeau m’accompagner et je l’invite à manger à mes côtés. Évidemment, le comportement de mon meilleur ami d’enfance qui est bipolaire change du tout au tout, surtout quand tu dois courtiser la même femme : quand mon meilleur ami n’a pas ce qu’il veut, il devient extrêmement agressif. Il est alors prêt à se battre avec son rival jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Nos enfants viennent au monde après 450 jours de grossesse. Notre fils pèse 40 kg et notre fille 25 kg. Leur grande corne mesure un centimètre de haut. Ils ont une tache de naissance bien visible à l’extrémité de leur deuxième corne. Nos petits tètent leur maman durant deux ans. Elle les protège de tout danger. Notre fille atteindra sa maturité sexuelle à cinq ans. Quant à notre fils, il devra attendre ses huit ans pour pouvoir procréer. Notre espérance de vie est de quarante-cinq ans.


 

Mes ennemis

Je n’ai pas vraiment d’ennemi. Ce qui me met en colère, c’est quand les lions nous tournent autour pour essayer de nous voler un bébé, surtout quand ma femme baisse la garde et ne surveille pas nos rhinos. Quand je cherche à atténuer ma soif, je rencontre des crocodiles ou encore des hippopotames qui tentent de m’attaquer.

Souvent, je suis attaqué par des parasites : tiques, mouches du cheval et vers. Cependant, j’ai quelques solutions macabres et diaboliques pour faire dégager ces gêneurs que je n’ai pas du tout invités : je me roule dans la boue ou je prends des bains de poussière. J’accepte bien volontiers la société des pique-bœufs et des hérons garde-bœufs. Ceux-ci se posent sur mon dos et me débarrassent de tous ces parasites en les picorant.


 

Ma relation avec les humains

Je trouve que les êtres humains sont allés beaucoup trop loin. Je vous explique : au cours des trois dernières décennies, plus précisément au 20e siècle, les hommes nous ont chassés sans nous laisser aucun répit. Notre corne se vend à un très bon prix. Elle est appréciée par les acheteurs d’Extrême-Orient ou du Yémen, pour les raisons suivantes :

On l’utilise dans la médecine chinoise traditionnelle. Une fois réduite en poudre, elle posséderait des vertus médicinales notamment pour renforcer la puissance sexuelle des humains ou encore faire baisser la fièvre. Pour ne pas vous mentir, la matière qui constitue ma corne est seulement de la kératine, une substance protéique présente dans les productions épidermiques de l’homme et des animaux (cheveux, ongles, etc.). Des analyses faites dans différents laboratoires n’ont montré aucune substance particulière aux vertus curatives ou érectiles.

Les habitants du Yémen fabriquent un poignard avec un manche constitué de corne de rhinocéros. C’est un symbole traditionnel de force et de puissance.

Pour essayer de faire cesser le braconnage définitivement, les gardes-chasses interviennent dans quelques régions pour endormir les rhinocéros noirs afin de leur couper leurs cornes. Cette pratique ne les fait pas souffrir. Mais cette méthode n’a pas eu le succès espéré : les braconniers n’ont aucune pitié et continuent d’abattre ma famille et mes amis. Privés de leurs cornes, ils sont sans défense.

Les hommes trouvent que j’ai un caractère imprévisible. Ils ne savent jamais quand je décide de les charger. Je peux ainsi projeter un être humain dans les airs avec ma corne, ce qui peut entraîner des blessures très graves.


 

Mon message

Chers humains, mon espèce a pratiquement disparu de la surface de la Terre. Merci de nous laisser mener notre vie en paix et de ne plus nous importuner !

 

Le saviez-vous ?

Étymologie de « rhinocéros »

Ῥινοϰέρως, de ῥὶν, nez, et ϰέρας, corne.

Emprunt au latin rhinoceros, du grec ancien ῥινόκερως, rhinókerôs formé sur ῥίς, rhis (« nez ») et κέρας, kéras (« corne »).

Article dans la Tribune de Genève