Tanya Sebaï

Tanya Sebaï – infirmière

un podcast Synergies mag

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir Tanya Sebaï, infirmière référente pour patients sourds et malentendants aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).

Elle vient nous parler de son parcours et de son quotidien.

Intervenante : Tanya Sebaï
Interview : Miguel M
Prise de son : Olivier M
Photo : Daniel VM
Montage : David V
Musique : Pixabay

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Retranscription

Miguel : Bonjour, Madame Tanya Sebaï, merci beaucoup d’avoir accepté cette interview. Pourriez-vous présenter et nous parler de votre parcours, s’il vous plaît ?

Tanya Sebaï : Alors je me présente, je m’appelle Tanya Sebaï, je suis née sourde profonde et je porte un implant cochléaire depuis que j’ai 3 ans. J’ai commencé l’école maternelle à l’école de Montbrillant. C’est là où j’ai appris la langue des signes et après j’ai fait la scolarité à l’école de Sécheron. Après, j’ai fait l’école de culture générale avec option santé et j’ai continué à la Haute école de santé pour devenir infirmière.

Miguel : Donc vous êtes allée dans une école ordinaire ?

Tanya Sebaï : Alors tout au début non, dans une classe pour enfants sourds et pendant la scolarité, je suis allée dans une classe ordinaire, avec des moyens auxiliaires, et de temps en temps, une fois par semaine, j’allais dans une classe pour sourds. J’ai fait un peu les deux. Et au cycle d’orientation, je suis allée dans une classe ordinaire pour toutes les matières, sauf pour le français, pour la musique et pour le cours d’allemand qui ne sont pas adaptés.

Miguel : Quelles sont les difficultés que vous avez eues à l’école ?

Tanya Sebaï : J’ai l’impression que les enseignants ne connaissaient pas là surdité. Parfois, dans certaines matières, les cours ne sont pas adaptés. Je donne un exemple : pour le cours d’allemand, tous les élèves écoutaient les mots en allemand par le biais de la cassette vidéo, ils devaient entendre le mot, ils devaient répéter et moi je ne comprenais pas, alors je ne pouvais pas répéter du coup, je n’arrivais pas à apprendre l’allemand, ce n’était pas du tout adapté pour l’apprentissage.

Miguel : Qu’est-ce qui vous a le plus aidé pendant vos études ?

Tanya Sebaï : Mon ambition et le soutien de l’entourage.

Miguel : Nous allons parler de votre travail. Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre rôle d’infirmière référente pour sourds et malentendants ?

Tanya Sebaï : Oui, ça fait depuis trois ans, depuis 2022, que je suis arrivée aux HUG en tant qu’infirmière référente pour les patients sourds. Mon rôle, c’est l’accompagnement des patients sourds et malentendants dans tous les services des HUG : accompagnement, aide à la communication et le suivi des patients hospitalisés, pour faire le lien entre les patients et l’équipe soignante. Et je donne les cours de sensibilisation à la sûreté des malentendants professionnels. Je fais aussi les consultations infirmières pour donner des conseils aux patients sourds en matière de santé.

Miguel : Qu’est-ce que vous aimez dans ce métier ?

Tanya Sebaï : J’aime beaucoup la relation humaine.

Miguel : Qu’est-ce qui est difficile ?

Tanya Sebaï : Alors, pour ce poste-là, je suis toute seule, donc ça veut dire que pendant le week-end ou pendant mes vacances, je n’ai pas de collègues pour me remplacer parce que je suis la seule personne ressource aux HUG qui connaît bien la langue des signes.

Miguel : Pourquoi avez-vous choisi le métier d’infirmière ?

Tanya Sebaï : C’est mon rêve depuis toute petite. Je savais que je voulais faire infirmière. Je savais que la santé, c’est le domaine que j’aime le plus parce que j’ai toujours aimé aider les personnes en difficulté, prendre soin des personnes, c’était ma vocation.

Miguel : Est-ce que votre travail est bien adapté pour vous ?

Tanya Sebaï : Oui.

Miguel : Est-ce que vos collègues et vos responsables vous soutiennent ?

Tanya Sebaï : Oui, beaucoup.

Miguel : Pour vous, qu’est-ce qui pourrait être amélioré à l’hôpital pour les soignants et les patients sourds ?

Tanya Sebaï : Par exemple, certains supports pourraient être traduits en langue des signes. Maintenant, les vidéos, les films sont automatiquement traduits, sous-titrés. Il y a d’autres choses qui peuvent être améliorées, mais c’est vraiment petit à petit qu’on va voir ce qu’on peut améliorer. C’est plus l’accessibilité aux informations et aux supports écrits.

Miguel : Comment communiquez-vous avec les patients sourds ?

Tanya Sebaï : Je communique en langue des signes. Pour d’autres personnes sourdes plutôt oralistes, je m’adapte, je parle avec eux oralement, je m’adapte aux besoins des personnes sourdes. Ça peut être en langue des signes, ça peut être en oral, ça peut être les deux ou par écrit s’il y a besoin, mais en général pas.

Miguel : Est-ce que c’est plus facile avec les patients sourds ou les patients entendants.

Tanya Sebaï : Pour les patients sourds, il y a plus de facilité parce que la langue des signes, c’est ma langue naturelle.

Miguel : Quelles sont les difficultés que vous avez avec les personnes entendantes ?

Tanya Sebaï : Parfois, ils ne pensent pas à se mettre en face de moi pour que je puisse lire sur les lèvres. Donc parfois je dois leur rappeler d’être en face de moi pour parler.

Miguel : Quels conseils donneriez-vous aux soignants entendants pour mieux communiquer avec les sourds ?

Tanya Sebaï : Alors ce que je donnerai comme conseil, c’est d’avoir beaucoup de patience, beaucoup de temps pour pouvoir communiquer avec les patients sourds.

Miguel : Nous allons passer à l’accessibilité. Est-ce que la technologie vous aide ?

Tanya Sebaï : Elle nous sauve. Par exemple, on peut envoyer un mail pour prendre rendez-vous, pour communiquer avec des personnes. Et nous avons le natel, on peut envoyer un message, on peut appeler en visio pour communiquer en présentiel ou à distance. C’est énorme, c’est une grande révolution.

Miguel : Pour vous, quels outil ou service vous manquent encore ?

Tanya Sebaï : Par exemple, à la télé, pas toutes les chaînes sont traduites en langue des signes. Il y a toujours un manque d’accessibilité à l’aéroport. Quand on donne des informations sur le vol, il n’y a pas de sous-titrage sur l’écran, donc il y a un manque d’accessibilité aux informations.

Miguel : Est-ce que les lieux publics, par exemple la gare, la mairie, sont accessibles pour vous ?

Tanya Sebaï : Il manque beaucoup de boucles magnétiques dans les lieux publics parce qu’en France, c’est obligatoire d’avoir à disposition les boucles magnétiques, ici il y en a très peu. Il y en a dans les ascenseurs et il y a quand même certains théâtres et cinémas qui sont équipés, mais ce n’est pas partout. Il faut aller sur les sites pour chercher quels sont les lieux qui sont accessibles.

Miguel : Maintenant, on va parler de l’identité et la culture sourde. La culture sourde vous aide dans votre métier ?

Tanya Sebaï : Oui, parce que dans la culture sourde, on utilise beaucoup l’aspect visuel, les images pour comprendre les choses. Donc pour expliquer aux patients, j’utilise beaucoup les images, les outils très visuels pour aider à comprendre leur santé, leur situation. Et même pour les personnes entendantes, c’est très utile, ça aide beaucoup.

Miguel : Quelle est l’importance de la langue des signes pour vous ?

Tanya Sebaï : C’est ma langue naturelle, c’est la base !

Miguel : Quels sont les conseils que vous donnez aux entendants pour mieux comprendre là surdité ?

Tanya Sebaï : Alors, la surdité est un handicap invisible. Il y a beaucoup de préjugés autour de la surdité. C’est important de ne pas trop juger parce que les degrés de surdité sont très variés et chaque personne sourde est très différente, a des besoins en communication différents. Donc c’est important de s’adapter à chaque personne, aux besoins de chaque personne sourde.

Miguel : Quels sont vos conseils pour ceux qui veulent apprendre la langue des signes ?

Tanya Sebaï : C’est très bien. Il faudrait pratiquer la langue des signes dans leur quotidien parce que c’est comme pour toute autre langue, ce n’est pas juste apprendre une langue. Il faut aussi pratiquer, participer dans la communauté sourde pour pouvoir pratiquer la langue des signes.

Miguel : Est-ce qu’il y a des idées fausses sur la surdité que vous aimeriez corriger ?

Tanya Sebaï : Oui, je remarque que dans notre société, on utilise encore beaucoup le terme sourd-muet. À l’époque, on pensait que l’audition était systématiquement liée à la parole. Donc, si on n’entend pas, on ne peut pas parler. Mais maintenant, il est prouvé qu’ils ne sont pas liés. On peut parler sans entendre. Il y a beaucoup plus de personnes sourdes qui peuvent parler. Parce que le mot muet, ça veut dire que c’est l’incapacité d’émettre un son alors que les personnes sourdes n’ont pas de problème de voix.

Miguel : On va parler de votre vie personnelle. Est-ce que vous pouvez nous parler de votre vie sociale en dehors du travail ?

Tanya Sebaï : Je vois mes amis en dehors du travail, des amis sourds ou entendants. Ils ont des enfants. J’ai aussi des enfants et comme ça ils jouent et les parents discutent de tout et rien. Et j’aime beaucoup faire le Pilates et le yoga. Je m’occupe beaucoup de mes enfants. J’aime bien aller aux activités avec les enfants pour leur faire plaisir.

Miguel : Quels sont vos passions ou hobbies en dehors du travail ?

Tanya Sebaï : J’aime bien lire des livres. J’aime bien aussi regarder des séries, des films, mais sinon je n’ai pas vraiment de passion.

Miguel : Qu’est-ce qui vous rend heureuse ?

Tanya Sebaï : Quand toute la famille va bien !

Miguel : Qu’est-ce qui est difficile pour vous dans la vie de tous les jours ?

Tanya Sebaï : Il n’y a pas de difficulté. Je m’adapte au jour le jour. Je fais face aux problèmes et j’essaie de les régler du mieux que je peux.

Miguel : Quel message aimeriez-vous donner aux jeunes sourds qui veulent travailler dans la santé ?

Tanya Sebaï : Il faut oser. Il faut avoir du courage et beaucoup d’ambition. Il faut vraiment oser aller dans le domaine. Il faut essayer de se battre pour le métier qu’ils aiment faire.

Miguel : Quel message voulez-vous transmettre au grand public ?

Tanya Sebaï : Je les encourage à découvrir la langue des signes.

Miguel : Merci beaucoup ! Je me reconnais beaucoup sur ce que vous avez raconté, parce que moi aussi je suis malentendant de naissance et j’ai oralisé. Je n’ai pas appris la langue des signes, mais c’est vrai qu’à l’école c’était très difficile. Mais j’ai eu beaucoup de soutien. Et puis je vous trouve très courageuse.

Tanya Sebaï : Merci à vous pour cette interview. C’est vrai que pour les études, c’était très difficile, parce que beaucoup de personnes pensaient que je n’étais pas capable de faire le métier d’infirmière. Donc, il fallait que je montre mes capacités et mes compétences. Il faut que je donne tout ce que je peux pour montrer que je suis capable de le faire et surtout montrer ma motivation. C’était difficile de donner toute l’énergie que j’ai et parfois c’est fatigant.

Miguel : Merci beaucoup !

Tanya Sebaï : Merci !