
Le 22 février 2018 se révéla inoubliable. Dès potron-minet, on carillonna à ma porte Sylvie, aide-soignante et Cyril, ASE, déboulèrent pour me demander si j’étais prête, au pied levé à remplacer une résidente qui s’était désistée. J’hésitais une seconde, mais la perspective d’aller au Grand-Bornand me décida ! On mit le turbo, car le départ était prévu pour 8 h 30. La météo annonçait un froid glacial et par conséquent, je m’emmitouflais comme un Esquimau ! Malgré mon stress, je pris le temps de laisser un message sur le répondeur de mon compagnon pour lui éviter d’inutiles inquiétudes !
Cyril et Sylvie se mirent chacun au volant d’un bus de la Fondation, car nous étions 4 résidents inscrits au tandem ! Cyril a plusieurs cordes à son arc. Tour à tour soignant, il organise et accompagne aussi les sorties. En ce moment, il remplace notre animateur accidenté. Je lui tire mon chapeau, car il cumule travail et heures de présence !
Nos pilotes de ski, Sylvain et Paul, nous réservent chaque fois un accueil chaleureux, car nous sommes des clients assidus. Une joie indicible m’étreint une fois encore, que je me retrouve au pied des pistes ou face à la mer ces deux sensations reviennent, car ces activités font partie de mes passions ! En cours de route, j’étais quelque peu sceptique, à cause du froid mordant et des vacanciers envahissant le domaine skiable. Pourtant, dès notre arrivée, mes craintes s’envolèrent et je fus comblée, en apprenant que je pourrais faire du tandem le matin même.
Tel un essaim on s’affaire autour de Michèle et moi calfeutrées jusqu’aux oreilles, nous prîmes chacune place dans un tandem (sorte de bob sur ressorts confortablement adapté pour les personnes en situation de handicap). En mon for intérieur, je trépignais d’impatience, car l’adrénaline du ski est comme une drogue pour moi !
Ce jour-là, il neigeotait et des zones de brouillard virevoltaient au gré des courants polaires. Nous retrouvâmes l’autre tandem en haut du télésiège. Nous exprimâmes des attentes, diamétralement opposées. Pas très motivée, Michèle souhaitait une descente pépère, tandis que moi, j’aime être grisée par la vitesse ! D’habitude, les pilotes de skis se suivent, mais mes vœux furent exaucés, nous nous séparâmes et je pus m’en donner à cœur joie…
Sylvain le pilote de ski, sait que j’aime les défis et ce jour-là restera inoubliable ! Nous dévalâmes les pistes à toute allure et à ma demande, nous nous aventurâmes telle une flèche sur les bosses. J’étais secouée comme un prunier, mais je jubilais ! Toujours prévenant, il demanda si mon dos supporterait les sauts. Étonnamment, je suis complètement décontractée lorsque je dévale les pistes… Mes physios, m’ont conseillé d’alterner la gym, et le ski ! Cela me ravirait, mais entre le rêve et la réalité, rien n’est moins compatible !
Notre binôme s’immobilisa vers un moniteur de cours de ski. Il nous laissa passer et tous les gamins nous observèrent. Dès le premier obstacle, je me mis à rire, ils se succédèrent à un rythme effréné. Ensuite, nous entamâmes les sauts, le fauteuil-ski décolla et je me sentis m’envoler ! C’était une sensation grandiose, j’avais quitté mon enveloppe corporelle déformée et comme dans un rêve, je voltigeais, laissant mon corps meurtri, ancré au sol. J’avais fait peau neuve et me sentais légère comme une plume ! L’idéal serait d’avoir un pilote de ski rien que pour moi !
Dès que nous arrivions au bas d’une piste, nous prenions un autre télésiège et je crus être trompée par mes yeux, lorsque j’aperçus à travers l’épais brouillard, une éclaircie et soudain une traînée de bleu. Nous espérions, malgré la météo pessimiste, nous dorer au soleil. Ce fut très surprenant de descendre du télésiège et d’être accueillis par un temps radieux, digne d’une carte postale ! C’était un phénomène bien étrange de se dire qu’un peu plus bas, la mer de brouillard était tellement dense que j’avais l’impression de pouvoir marcher dessus.
Je n’avais qu’un désir, faire le plein de vitamines D, face aux splendides montagnes aux sommets enneigés, le tout baigné par les rayons ardents de Râ ! Sylvain dégaina son appareil de photo pour immortaliser ce paysage féerique, mais le froid l’avait mis hors d’usage. Nous échangeâmes un regard complice, puis il téléphona pour prévenir que nous avions l’intention de leur fausser compagnie ! Ils nous prévinrent que nous avions déjà du retard, qu’il y avait des lustres que le tandem de Paul avec Michèle était de retour, car elle avait renoncé après la première descente et que le groupe de l’après-midi attendait notre retour !
Nous avions bien profité de cette sublime opportunité, donc nous nous élançâmes sur les pistes et au premier virage, nous fûmes engloutis par un brouillard à couper au couteau ! À regret, nous regagnâmes le restaurant où l’on nous attendait de pied ferme. Je rayonnais d’un tel bonheur, que si des remontrances ont été faites, je les ai occultées… Cette matinée m’a transportée dans un monde de rêves et sans les contraintes du handicap.
Dès mon retour à la maison, je m’emparais du téléphone pour exprimer mon enthousiasme et déclarais à mon entourage d’un ton enjoué que c’était l’un des plus beaux jours de ma vie.
Du fond du cœur, je remercie la « Fondation Foyer-Handicap » et l’association « Just for Smiles » de nous permettre d’avoir des activités aussi dynamiques que le ski en tandem !
Christine Anthamatten,
collaboratrice et résidente à la Fondation Foyer-Handicap