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Quand on parle de parentalité et de handicap, on pourrait penser que ces deux choses ne vont pas ensemble. C’est un sujet qui provoque parfois de la gêne, qui est délicat et presque un tabou.
Un rêve
J’ai toujours rêvé d’être maman. J’avais déjà choisi les prénoms de mes futurs enfants. Je m’imaginais changer leurs couches, les mettre à la sieste et jouer avec eux, comme toutes les mamans.
Voilà qu’à l’âge de neuf ans je me suis retrouvée en situation de handicap. Ce n’était pas simple, mais je continuais à être une enfant joyeuse et remplie de vie. Quelque temps après, une éducatrice de l’école m’a affirmé que je ne pourrais jamais avoir d’enfants à cause de mes handicaps visuels et ma tétraplégie. Cela m’a beaucoup blessée et a coupé mon vœu le plus cher.
J’en ai beaucoup souffert et pleuré de toutes les larmes de mon corps. Je continuais à me voir comme avant, quand j’étais valide, pleine de projets et de rêves. Malgré ma tristesse, je n’ai jamais renoncé à mon souhait de maternité. Il est essentiel de laisser le droit aux personnes handicapées de choisir comment mener leur vie.
Je suis consciente que ce n’est pas évident d’être maman dans ma situation, mais avec le soutien de son entourage et une assistance professionnelle on peut y arriver. L’important c’est de donner de l’amour à l’enfant. Ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on doit renoncer à ses projets de vie. Même si beaucoup d’aide sera nécessaire, il ne faut pas avoir honte de donner la vie, comme n’importe quel être humain.
Une de mes sœurs est tombée enceinte, mais elle ne l’avait pas encore dit à toute la famille. J’ai ressenti qu’il y avait quelque chose de différent chez elle. En effet, elle m’a confirmé sa grossesse. J’ai gardé son secret pendant plusieurs jours. À la naissance des jumelles, j’ai pu les porter et leur donner le biberon avec de l’aide. Quand elles ont grandi, j’ai pu les nourrir, les mettre à la sieste et jouer avec elles. Je suis vraiment heureuse de pouvoir jouer mon rôle de tante.
J’ai découvert l’histoire d’Alexandre Jollien, un philosophe suisse, né avec un handicap dû à un manque d’oxygène au cerveau. En dépit de cela, il est devenu papa de trois enfants. J’ai entendu aussi parler d’une Canadienne, Sabryna Mongeon, qui a dû être amputée de ses quatre membres suite à un accident de voiture. Quelques années après ce drame, elle a eu le bonheur de devenir maman.
Deux collaborateurs en emploi adapté de la Fondation Foyer-Handicap apportent des témoignages sur leur expérience de la parentalité.
Fatma
Fatma Saïm est atteinte d’une poliomyélite avec paralysie. Dès l’âge de 6 ans, elle se retrouve en fauteuil roulant. Elle a toujours souhaité être maman et son handicap ne l’a pas empêchée de réaliser son rêve. À l’âge de 32 ans, Fatma a eu une petite fille. Au début, elle n’était pas soutenue par tout son entourage. Certains lui ont même conseillé d’avoir recours à l’avortement, mais pour elle, cela n’était pas envisageable. Malgré le regard négatif de plusieurs personnes sur cette grossesse, elle a gardé son bébé et s’est battue pour mener à terme sa maternité.
Durant sa grossesse, Fatma n’a eu aucune complication physique. Elle a pu accoucher par voie basse. Elle estime avoir reçu un suivi de grossesse comme les femmes valides. Son enfant est né en bonne santé.
« Une fois que j’ai eu mon bébé dans les bras, c’était une joie énorme, c’était merveilleux », déclare Fatma !
De retour à son domicile, elle a eu besoin qu’on l’aide avec son bébé. Une cousine est restée chez elle pendant 6 mois, puis d’autres personnes sont venues lui prêter main-forte. Fatma a élevé seule sa fille : « c’était dur pour l’éducation. Quand il n’y a pas les deux parents, ce n’est pas facile. Pour élever un enfant, normalement il faut être deux, mais des fois on n’a pas le choix ». Fatma souligne que sa fille n’a jamais eu honte d’avoir une maman en situation de handicap. Fatma encourage chaque femme à réaliser son rêve de maternité, mais avec un conjoint, « d’autant plus quand on est handicapée ».
Aujourd’hui, sa fille est accomplie professionnellement et mène une vie épanouie.
Théo
Depuis sa naissance, Theo Gachet est atteint d’une myopathie avec une dystrophie musculaire qui affecte ses jambes et son bras droit. Il se déplace en fauteuil roulant. Son fils, Nicolas, âgé de 28 ans, habite actuellement aux États-Unis.
Pour Théo, la priorité n’était pas de fonder une famille : « Cela s’est présenté ainsi : j’ai rencontré ma future épouse et… mon fils est arrivé. Je ne l’attendais peut-être pas aussi vite. Lors de l’accouchement, ce fut une joie et une grosse émotion quand il a sorti sa tête. C’était quelque chose d’unique, d’émouvant et d’inoubliable. Tu ne vis pas ça tous les jours ! Je m’en rappelle comme si c’était hier. Il était là, nous l’avons accueilli de la meilleure manière possible. Au début, quand j’ai su que j’allais être papa, j’appréhendais un peu. Je n’étais pas vraiment préparé à ce rôle. Nous avons eu quand même neuf mois pour réfléchir et tout préparer pour le recevoir », raconte-t-il.
Tout son entourage est ravi d’apprendre cette bonne nouvelle. La famille s’agrandit.
« Je me suis renseigné au sujet des risques que mon enfant soit porteur du gène de la myopathie, dont je suis atteint. En tant que garçon, il y aurait bien moins de risque qu’une fille. Comme nous avons su assez tôt que ce serait un garçon, je me suis bien moins inquiété. Les échographies régulières ne nous ont rien montré d’anormal. Tout s’est bien passé, il faisait 4,300 kg et mesurait 50 cm », complète-t-il.
En 1994, la famille s’installe au Pérou, en Amérique du Sud. Théo et sa femme se séparent en 1997, après 6 années de vie commune. Son fils est gardé successivement par les beaux-parents et Théo. Cette période est difficile. En 1999, Nicolas déménage aux États-Unis pour retrouver sa mère. Actuellement, il vit dans le Connecticut où il travaille comme ingénieur dans une entreprise d’automobile. Il a deux filles de jumelles nées en janvier 2020.
Théo revient sur sa paternité : « je n’avais pas peur de ne pas être à la hauteur à cause de mon handicap, mais plutôt parce que c’était un saut dans l’inconnu, que l’on soit handicapé ou pas. Je crois que l’on passe tous par-là. C’est quand même un engagement de toute une vie. Je n’ai pas pu remplir mon rôle de père à 100 % : Nicolas est parti avec sa maman aux États-Unis et je n’étais pas sur place. Comme dans tous les couples, nous avons eu des divergences et des interrogations au sujet de son éducation. Faisait-on juste et bien, étions-nous trop sévères ou trop laxistes », rajoute Théo.
L’ex-femme de Théo est tragiquement décédée en 2012 d’une sclérodermie. « Nicolas s’est beaucoup occupé de sa maman. Cela a resserré nos liens malgré la distance. Je devais aller le voir aux États-Unis cette année, mais cela n’a pas été possible à cause du covid-19 ».
Pour finir, Théo a un message pour les futurs parents : « Il faut bien se préparer. L’enfant doit arriver dans un foyer aimant, harmonieux et uni. Il faut aussi prendre conscience qu’avoir un enfant, ce n’est pas seulement la joie d’avoir un petit bébé dans les bras. Un bébé, ça ne reste pas longtemps un bébé. On s’engage quand même pour des années. Ce sont des responsabilités. Il faut l’éduquer, lui transmettre nos valeurs autant que possible et puis faire en sorte qu’il grandisse bien, qu’il se sente aimé et entouré. Il faut trouver la bonne mesure pour l’éduquer, mais ce n’est jamais facile. Il faut vraiment réfléchir si le désir d’avoir un enfant est profond ou n’est qu’une volonté de faire comme ses proches. Il faut bien être sûr de son coup pour assurer son bonheur ».
Ces deux témoignages redonnent confiance à Celya
Je ne me vois pas vivre sans être maman. Actuellement, j’ai un amoureux et l’envie de maternité s’est accentuée. Je me documente sur les possibilités d’être maman malgré mon handicap. Si par hasard, mes projets de maternité ne s’accomplissaient pas, j’envisagerais d’adopter des orphelins. Ils pourraient ainsi avoir une famille et recevoir de l’amour. Ils ont le droit de connaître cela comme tout le monde.
Récemment, j’ai discuté avec mon médecin qui m’a confirmé que la maternité est tout à fait réalisable pour moi. Il m’a expliqué les contraintes et les difficultés que je rencontrerais, mais il n’a pas été négatif.
Cela m’a redonné de l’espoir !
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