Dans la peau du vautour fauve

Par Celya
Vautour fauve

Aujourd’hui, synergies mag a rendez-vous avec Enrico et sa famille. Ce sont des vautours fauves qui résident en Provence. Cependant, ils passent la majorité de leurs vacances au Portugal.

Bonjour, merci de nous accueillir pour cette interview. Présentez-vous-en quelques mots s’il vous plaît.

Bonjour, je m’appelle Enrico, j’ai 23 ans. Ma bien-aimée Marie-Sol à 21 ans, mon fils Hernán Darío a 2 mois et ma fille Catalina va faire 5 mois dans 2 jours. Nous habitons au 27, rue des Vautours au Portugal.

Je mesure 93 cm de longueur et je pèse 10 kg. Mon fils fait 100 cm, ma douce et tendre pèse 11 kg, et ma fille fait 6,5 kg. Avec mes 2 mètres 60 d’envergure, je suis connu comme le souverain incontesté du vol à voile. Notre bec présente une cire grise, un enflement situé sur la partie supérieure de sa base.  

Nos pattes arborent une teinte gris-bleu. Sur la base antérieure de notre cou, on distingue deux taches de peau nue et bleue. Nos têtes sont recouvertes d’un duvet blanchâtre et court. Nos yeux de couleur brun clair à l’origine tendent à jaunir avec l’âge. Quant à notre plumage, il affiche un contraste de couleurs : le dessus de notre corps est brun-gris avec des teintes jaunâtres, tandis que le dessous est brun-roux avec de doux reflets jaunes. Le cou de mes enfants est orné d’une ravissante collerette de plumes brunes en forme de fer à cheval. Leur plumage, uniquement brun, s’éclaircit progressivement à partir de l’âge de deux ans, tout comme leurs beaux yeux, qui passent d’un brun foncé à une teinte plus claire au fil des années. À partir de trois ans, leur duvet spécifique apparaît sur leur cou, marquant une étape importante de leur vie.

Eh ben dis donc, qui l’eût cru ! Si vous ne me l’aviez pas dit, je ne l’aurais jamais su. Comment différencier un mâle d’une femelle de votre espèce ?

Vous savez, il n’existe pas vraiment de différence entre ma femme et moi.

Ok, j’ai cru qu’il y en avait une, mais je me suis trompé. Avec votre grande taille, est-ce simple d’atterrir ?

Non. Ma famille et moi avons dû nous entraîner souvent afin de faciliter le plus possible nos atterrissages.

Êtes-vous plutôt solitaire ou préférez-vous vivre en communauté ?

Ce qui est sûr, c’est qu’à la différence des autres rapaces, je préfère largement rester en famille.

Combien êtes-vous dans votre communauté ?

Nous sommes une trentaine d’individus.

Votre nombre me donne le tournis. Quel est votre habitat naturel ?

Nous vivons en communauté sur les corniches au sud du rocher du Caire.

Ah bon, mais alors le rocher du Caire est-il en Égypte ?

Ah, mais bien sûr que non ! Pour votre gouverne, ce rocher est en Provence !

Ça a l’air très beau.

Ça, c’est sûr.

Comptez-vous partir habiter ailleurs ?

Certainement pas, car il est très difficile de trouver d’autres endroits où se loger. De plus, pourquoi partir si notre vie nous convient ? Nous adorons passer une grande partie de nos vacances au Portugal.

Vous avez raison ! Pour garder votre place, devez-vous parfois vous battre ?

Oui, pour conserver notre territoire, nous devons souvent nous défendre.

Expliquez-nous comment se passent les parades amoureuses, chez vous, les vautours fauves.

À notre premier rendez-vous galant, j’ai charmé ma bien-aimée en exécutant des pirouettes dans les airs. Ce spectacle lui en a mis plein la vue. Ensuite, je suis descendu et me suis retourné pour être face à elle. J’ai ainsi pu l’envoûter.

Alors vous, vous êtes un sacré séducteur ! Quelle est votre espérance de vie ?

Là, je vais vous épater : nous pouvons vivre jusqu’à 40 ans !

Ah, oui quand même ! Pourquoi les humains vous nomment-ils « vautour fauve » ?

Ah, ça vous intrigue, n’est-ce pas, chers journalistes ? Laissez-moi éclairer votre lanterne. On m’appelle comme ça à cause de mon beau plumage. La plus grande partie de mon corps est de couleur brun clair, à part ma queue et l’arrière de mes ailes qui sont brun foncé. Cela correspond à la couleur fauve.

Comment se passe la reproduction chez vous ?

Ma femme pond un unique œuf de 300 g chaque année. Elle le couve pendant une période qui dure entre 50 à 57 jours. Je l’aide et la soutiens pour la couvaison. C’est ce qu’on appelle un travail d’équipe !

Pouvez-vous nous parler de votre comportement en quelques mots ?

Ce que j’adore le plus, c’est de me percher au sommet des plus hautes falaises pour profiter pleinement des courants aériens. Ensuite, je suis très fier de la facilité avec laquelle je m’élève dans les airs, sans le moindre effort. La vue est excellente quand on est en hauteur.

Oui, j’imagine. Volez-vous en solitaire ou en groupe ?

J’aime survoler les nuages entourés de ma famille.

À quel moment préférez-vous prendre votre envol ?

C’est à l’aube. J’amène ma fratrie explorer différents territoires à la recherche d’aliments pour nous restaurer goulûment. Puis, nous rentrons chez nous en fin d’après-midi.

C’est une sacrée excursion !

Oui, ça c’est sûr ! Mais si on veut manger, on n’a pas vraiment le choix.

Quel est votre régime alimentaire ?

Je suis nécrophage.

Qu’est-ce qu’un nécrophage ?

Cela signifie que je mange uniquement des cadavres.

Rassurez-moi, pas ceux des humains ?

Ça croustille sous la dent. Ha ! Ha ! Ha ! Mais non, je rigole ! Pour qui me prenez-vous chers journalistes ? Quoique… En entrée, je mange de la bonne chèvre. Au dîner, je me réserve pour un mouton, et pour le dessert, j’opte pour une belle vache. Au goûter, je déguste toutes sortes d’animaux sauvages.

Vous avez un sacré appétit ! Avez-vous une bonne vue ?

Oui, absolument ! J’ai une acuité visuelle plus que parfaite. Comme tous les rapaces qui chassent de jour, je suis pourvu de deux fovéas.

Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les fovéas ?

Il s’agit d’une petite zone située au centre de la rétine. Elle contient une concentration très élevée de photorécepteurs appelés cônes, qui sont responsables de la vision fine et des détails. Grâce à cette densité, la fovéa permet une vision précise et une excellente perception des détails dans une partie spécifique du champ visuel. Pour être plus précis :

  • La fovéa centrale est orientée vers l’avant. Elle est optimisée pour focaliser sur des objets fixes ou proches dans notre champ de vision central.
  • La fovéa latérale est, quant à elle, positionnée pour couvrir des zones plus éloignées et latérales. Elle me permet de détecter des mouvements ou des détails dans un champ plus large.

J’ai donc une vision à longue distance exceptionnelle ! Je suis capable de distinguer une carcasse de quelques dizaines de centimètres à plusieurs kilomètres.

Wow, wow, wow, vous êtes vraiment incroyable ! Vous m’épatez !!

Ça, c’est clair.

Qui sont vos ennemis ?

Aujourd’hui, mon seul ennemi est l’être humain.

Et pourquoi donc ?

L’homme nous a toujours pourchassés.

Pouvez-vous développer s’il vous plaît ?

Oui, avec plaisir. L’humain s’est fait une mauvaise image de moi. Nous avons été chassés, empoisonnés et exécutés pour de simples légendes et croyances liées à notre alimentation. Nous avons été longtemps considérés comme des monstres, alors que nous souhaitons juste vivre notre vie en paix. Chaque année, des articles nous décrivent comme des prédateurs voraces. Nous pouvons aussi inclure la diminution de nos sources de nourriture, la perte de notre habitat, la chasse à des fins commerciales et l’empoisonnement.

Nous avons connu une régression assez conséquente de notre espèce en 2004. En 2007, nous étions toujours menacés, mais de manière moins importante. À cause de vous, chers humains, ma famille a été en danger critique d’extinction. Actuellement, nous avons survécu de peu à notre extinction grâce à des mesures de protection.

Je trouve ça triste quand même.

Oui, cher journaliste.

À quel endroit êtes-vous également répandu ?

Nous partons régulièrement dans la réserve naturelle nationale d’Ossau, dans le massif des Pyrénées, au sud de la France.

Ah oui ! Cela fait quand même un long et beau voyage.

Nous adorons partir en vacances.

Combien de temps peut durer votre vol ?

Plusieurs heures. Je peux monter jusqu’à 4000 mètres d’altitude.

Wôw ! Enrico, pouvez-vous nous expliquer qui est le guide de votre famille ?

C’est moi qui la dirige, et j’ai le plaisir de les emmener survoler différentes réserves naturelles pour leur faire découvrir les trésors qui se cachent dans les autres falaises.

Je vous remercie de nous avoir accordé du temps pour cette interview. Ainsi, J’espère que les humains seront dorénavant beaucoup plus sensibles à votre égard.

J’espère que ce sera le cas.


Galerie vidéo

Les vautours fauves

Le vautour fauve

Sur les traces du vautour

Bonus Cap Sud Ouest : Fascinants vautours des Pyrénées

Protéger les vautours fauves dans les Pyrénées