« Dans ce monde nous sommes souvent égoïstes, notre métier nous oblige à partager »

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Alain Champal (au centre) entouré de ses deux collègues, Sébastien Ros et Jéremie Dhaussy.

Alain Champal est arrivé en 2009 en tant que maître socio-professionnel au sein de la Fondation Foyer-Handicap, dans le secteur boulangerie-pâtisserie. Il a commencé à Cressy, puis est allé aux Caroubiers à Carouge après le déménagement de son secteur. Il quitte la Fondation cette année pour de nouvelles aventures.


Comment êtes-vous arrivé à la Fondation ?

Avant de venir à Foyer-Handicap, je gérais une équipe de 15 personnes dans le privé, en boulangerie-pâtisserie. Dans cette entreprise, je me suis également occupé d’apprentis, dont un adolescent qui était en échec scolaire. J’ai essayé de donner toutes les chances à ce jeune dont toutes les portes étaient fermées. C’était assez dur, mais ça a fonctionné. Je me suis senti très satisfait de cette expérience qui m’a plus apporté que de former, si j’ose dire, un apprenti « traditionnel ».

J’ai aussi aidé une fille à démarrer dans la vie. Elle était également en échec scolaire. Je lui ai proposé de travailler comme aide-laboratoire et cette activité lui a plu. Elle est finalement restée 8 ans avec nous.

Par la suite, j’ai découvert une annonce de la Fondation qui cherchait un maître socio-professionnel dans le secteur boulangerie-pâtisserie. Je me suis porté candidat. J’ai commencé par un stage. Cela m’a conforté dans mon idée de travailler avec des personnes en situation de handicap : je me suis senti tout de suite à l’aise. Cette activité correspondait à ce que je souhaitais faire pour le reste de ma carrière professionnelle. J’ai donc appris le métier de maître socio-professionnel « sur le tas ». J’ai aussi suivi une formation qui m’a permis de me remettre en question et d’essayer de faire les choses au plus juste.

Comment a évolué l’équipe tout au long de votre carrière à Foyer-Handicap ?

À l’époque, je m’investissais à Cressy, où se trouvait le secteur boulangerie-pâtisserie. Je travaillais principalement avec des personnes cérébrolésées en accompagnement individuel. Peu à peu, des personnes atteintes d’autres handicaps sont arrivées. Une équipe s’est alors formée avec beaucoup de soutien et de complicité entre les personnes, ce qui a contribué au développement de l’autonomie de chacun. J’ai trouvé cette évolution magnifique. Nous pouvions donner du travail à chacun dès que nous avions des commandes. Le pari était gagné !

Cette évolution ne s’est pas faite uniquement grâce à moi ! En tant que maître socio-professionnel, nous participons à l’activité, mais surtout dans le but de soulager l’équipe et de leur éviter du stress. Par ailleurs, j’ai été formé par des collègues plus expérimentés. J’ai appris petit à petit le métier. Je peux également ajouter que cette évolution parle d’elle-même puisque la plupart des collaborateurs sont restés et sont toujours fidèles au poste après toutes ces années. De plus il y a relativement peu d’absentéisme. L’envie de venir au travail est donc présente. C’est également un pari gagné !

Aujourd’hui, notre équipe compte une vingtaine de collaborateurs.

Parlez-nous du 7extra

La boutique 7extra a été rénovée dernièrement. Ce changement est merveilleux, c’est un très bel outil de travail avec beaucoup d’espace et d’accessibilité. Les vendeurs peuvent travailler jusqu’à trois personnes au lieu de deux auparavant. Ainsi, ils subissent moins de stress, notamment à midi quand les gens affluent. Par ailleurs, les produits sont présentés dans la nouvelle vitrine avec « classe » et donnent envie aux clients.

Quelle est votre touche personnelle au 7extra ?

J’aime bien nommer le groupe quand tout va bien, mais en prendre la responsabilité quand ça ne va pas. Tout le monde apporte quelque chose, moi seul je ne suis rien. C’est la force du groupe.

Nous avons entendu parler du « pâté du père Champal », qu’est-ce que c’est ?

C’est une recette de mon père qui était boulanger, ainsi qu’une fierté personnelle. J’ai récupéré sa recette et je l’ai modifiée, car à l’époque, il mettait du saindoux. Je l’ai remplacé par du beurre. J’ai ajouté, au milieu, un petit cornichon pour donner du croquant. La recette va perdurer, elle restera dans le classeur du 7Extra.

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Les fameux pâtés du « père Champal »


Pouvez-vous nous parler d’un moment à la Fondation qui vous restera en mémoire ?

Malheureusement, il s’agit plutôt d’un mauvais souvenir. Quand nous avons quitté Cressy pour venir nous installer à la boulangerie à Carouge, un collègue, avec lequel je travaillais, est décédé. C’était une personne merveilleuse, j’ai été très triste.

Avez-vous une ou plusieurs anecdotes sympathiques de votre temps à la Fondation ?

Oui, j’en ai une très bonne qui peut choquer ou faire rire. Nous avons un collaborateur en chaise roulante qui aime beaucoup faire des farces et le clown. Un jour à Cressy, il était d’humeur particulièrement taquine. Alors je l’ai envoyé chercher des fraises, juste à côté, au secteur horticulture, tout en sachant qu’il avait beaucoup plu pendant la nuit et que le terrain était boueux. Et ça n’a pas manqué : sa chaise s’enfonçait gentiment dans la terre lors de son déplacement… Toute l’équipe de la boulangerie le regardait par la fenêtre en riant beaucoup, car elle savait ce qui allait se produire : notre farceur s’embourbait et criait au secours !

Pourquoi quittez-vous la Fondation ?

J’ai eu l’opportunité d’ouvrir une nouvelle boulangerie, dans le même contexte, avec des personnes en situation de handicap. J’ai été choisi grâce à mon expérience, pour « mettre le train en route ». Ce sera le dernier concept à réaliser avant ma retraite : un joli challenge que je n’ai pas hésité à relever !

Qu’est-ce que vous « emporterez » avec vous du 7extra dans vos projets ?

L’expérience acquise et la méthode de travail que j’appliquerai dans ma nouvelle activité. La seule différence est qu’il n’y aura pas de partie traiteur, mais cependant beaucoup de formation.

Quel message voudriez-vous passer à votre « successeur » ?

D’être simple et juste. Il ne faut jamais favoriser certaines personnes dans le groupe. Il y a des moments où il faut resserrer la vis, cadrer les collaborateurs et être un peu sévère. Car nous sommes là pour travailler et nous manipulons de la marchandise. Il y a donc des règles d’hygiènes à respecter. Nous ne pouvons pas rigoler de tout. Cependant, la bonne ambiance est primordiale pour motiver et garder le groupe soudé. Il faut pouvoir évoluer entre détente et rigueur.

Quel sentiment vous laisse cette expérience professionnelle ?

Penser aux autres. Dans ce monde nous sommes souvent égoïstes. C’est un métier qui nous oblige à partager.

De quoi êtes-vous le plus fier durant toutes ces années à la Fondation ?

J’ai l’impression d’avoir été apprécié, même si nous pouvons toujours faire mieux. J’ai toujours préféré être transparent qu’être mis en avant. J’ai également aimé transmettre mon savoir.

Merci, Alain Champal, pour tout le travail que vous avez effectué et bonne chance pour la suite de votre carrière professionnelle.

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Dans la nouvelle boulangerie avec Fanny Viacco, vendeuse