Accessibilité numérique : un combat au quotidien

Par Celya
doigts tapotant sur un clavier. Un parcours inspirant : un informaticien aveugle se bat pour l’accessibilité numérique.

Un parcours impressionnant

On se demande parfois comment une personne non-voyante peut devenir informaticienne. Pourtant, le parcours de Stéphane Hagues est la preuve qu’avec de la volonté et des outils adaptés, rien n’est impossible. Cet expert en accessibilité numérique, aveugle de naissance, a fait de l’informatique son domaine de prédilection et forme aujourd’hui d’autres personnes déficientes visuelles pour leur permettre d’acquérir une autonomie numérique.

De l’anglais à l’informatique : une reconversion imposée

À l’origine, Stéphane Hagues n’avait pas envisagé une carrière dans l’informatique : « À la base, j’ai une formation en anglais. J’ai le niveau agrégation, donc bac +6. Mais je me suis reconverti dans l’informatique à cause de diverses barrières liées à mon handicap. »

Ne pouvant pas partir à l’étranger pour approfondir sa maîtrise de l’anglais, il bifurque vers une autre passion, découverte par nécessité : « Quand j’étais étudiant, je devais tout numériser moi-même, rendre mes devoirs en format numérique… et c’est comme ça que j’ai développé une passion pour l’informatique. »

Après des années d’autoformation et des certifications Microsoft, il se heurte à un nouveau frein : le marché du travail, où les employeurs ne sont pas toujours prêts à lui faire confiance. Il trouve finalement un poste chez CECIAA, entreprise spécialisée dans l’accessibilité pour aveugles et malvoyants.

Former pour rendre autonome

Chez CECIAA, Stéphane se forge une solide expérience en accessibilité numérique :« J’ai travaillé 13 ans chez CECIAA, une grosse société française qui vend du matériel pour aveugles et déficients visuels. »

Il y assure des formations sur l’utilisation de logiciels adaptés et veille à l’évolution des outils informatiques pour garantir leur accessibilité. « Mon rôle, c’était aussi de tester et d’adapter les scripts d’installation pour que les outils, et en particulier le lecteur d’écran JAWS que nous venions d’importer, soient utilisables par des non-voyants », se rappelle-t-il.

Son parcours l’amène ensuite à l’enseignement à l’Institut National des Jeunes Aveugles (INJA) : « J’ai été enseignant pendant 17 ans. J’y enseignais la bureautique et l’informatique. »

Aujourd’hui, à son compte, il continue d’accompagner les déficients visuels pour leur permettre d’acquérir une autonomie digitale essentielle : « Le but, c’est qu’ils puissent utiliser Windows, les logiciels de bureautique et Internet avec un lecteur d’écran. »

Inclusion ou autonomie : un équilibre fragile

Mais Stéphane dénonce une tendance actuelle : l’inclusion à tout prix, souvent mal mise en œuvre. « L’intention est louable, mais on inclut des élèves sans leur donner les bases nécessaires », explique-t-il.

Il explique comment les accompagnants scolaires (AESH) pallient les manques de formation, mais laissent les jeunes livrés à eux-mêmes une fois leurs études terminées : « Un étudiant qui a été assisté toute sa vie, qui n’a pas appris à être autonome, il fait quoi une fois en entreprise ? »

L’accessibilité en retard

Autre problème, l’accessibilité des outils numériques : « En France, on a une loi depuis 2005 qui devrait garantir l’accessibilité, mais en réalité, elle n’est respectée que par une toute petite minorité. »

Les mises à jour des applications rendent souvent les outils plus difficiles d’accès, forçant les personnes déficientes visuelles à sans cesse s’adapter : « On doit toujours trouver des solutions parce que certains développeurs ne pensent pas à l’accessibilité en amont. »

Technologie et espoir

Malgré ces difficultés, Stéphane croit en l’apport des nouvelles technologies : « L’intelligence artificielle peut être une aide incroyable. Par exemple, j’ai utilisé ChatGPT pour retrouver une référence fiscale dans un document PDF inaccessible. »

Des applications comme Seeing AI permettent désormais aux personnes aveugles d’interagir avec leur environnement, mais il insiste sur la nécessité d’un cadre plus large : « La technologie ne résout pas tout. Il faut aussi des formations pour que chacun puisse en tirer parti. »

Un combat quotidien

Si l’informatique a été une révélation pour lui, Stéphane est avant tout un militant de l’autonomie : « On doit arrêter de bricoler l’inclusion. Il faut donner aux jeunes les moyens réels d’être indépendants. »

C’est un combat qu’il mène au quotidien, pour que l’accessibilité ne soit plus une exception, mais une norme. L’accessibilité n’est pas un luxe, mais un droit.

L’accessibilité numérique ne doit pas être un combat solitaire, mais une responsabilité collective. Entreprises, développeurs, institutions et citoyens ont tous un rôle à jouer pour garantir une société réellement inclusive. Ce n’est qu’en combinant technologie, formation et volonté politique que l’on pourra réellement faire de l’accessibilité une norme universelle.

Le saviez-vous ?

L’accessibilité numérique est un enjeu majeur dans le développement des nouvelles technologies. Des standards comme le WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) définissent des règles pour rendre les sites et applications accessibles à tous. Pourtant, selon une étude récente, plus de 70% des sites web ne respectent toujours pas ces normes. Sensibiliser et former les développeurs reste donc un défi essentiel pour une société plus inclusive.

Pour en savoir plus
CECIAA, une entreprise engagée dans l’intégration des déficients visuels