Samia Tawil, une chanteuse engagée

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Samia Tawil est une chanteuse, auteure-compositrice genevoise née d’une mère marocaine et d’un père helvético-syrien. Sa musique est un subtil mélange de rock, de pop et de soul, inspirée des années 70. Son premier album, Freedom is Now, a pour thème principal la liberté, qu’elle soit individuelle, politique ou sociale.

«Mes parents étaient de grands amateurs de musique. J’ai d’abord développé une passion pour la danse. Ensuite, j’ai eu besoin de transmettre un message et d’écrire. La danse et l’écriture se sont donc réunies dans la musique. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à composer des chansons», raconte Samia Tawil.

Le fait d’écrire en anglais lui est venu naturellement : «cela vient à la fois de mon père, anglophone, ou tout simplement de différents artistes inclassables au style métissé comme Prince ou Ben Harper, que j’écoutais, et qui étaient eux-mêmes anglophones».

Certaines chansons de Samia Tawil sont très engagées. Pray, par exemple, a été écrite à Berlin et parle d’un squat d’artistes qui a malheureusement disparu depuis, l’État l’ayant revendu à des investisseurs privés. Modern Slaves relate les événements du printemps arabe. Pour la chanteuse, les esclaves, c’est nous ! «Ce ne sont pas les migrants comme nous pouvons le penser. Eux tendent vers une liberté qui leur est due et qu’ils méritent. Par contre, les esclaves modernes sont plutôt les gens qui restent de marbre face à cette quête de dignité. Je ne comprends pas que l’on puisse réagir ainsi. C’est un fléau des pays riches d’être impassible devant des situations aussi aberrantes», dénonce-t-elle.

Samia a commencé par le piano qui reste son instrument préféré : «c’est avec lui que je compose. C’est un instrument instinctif qui permet de poser ses mains et de se balader».

Elle joue également de la guitare, mais cela lui demande davantage d’effort, ayant commencé plus tard, par la force des choses, dans une période où elle ne trouvait pas de bon guitariste pour son groupe.

Samia n’oublie cependant pas ses origines orientales. «J’inclus souvent des instruments orientaux dans mes chansons qui sont plutôt rock. Par exemple, nous pouvons trouver de l’oud (luth arabe), du gembri (l’instrument fétiche des Gnawas, les noirs marocains venant souvent de Guinée ainsi que du Ghana) ou encore de la derbouka (percussion arabe). Dans l’album, des professionnels de ces instruments sont invités à nous accompagner dans certains morceaux, mais nous apprenons aussi avec le groupe à jouer de ces différents instruments afin de reproduire le son de l’album en concert et que le show ne perde pas ces belles parties orientales», explique-t-elle.

La scène est primordiale pour la jeune artiste. «Le studio et l’enregistrement ne sont qu’une étape où nous nous efforçons de graver nos idées et d’en faire quelque chose de définitif, de figé. Quand l’album sort enfin, que nous avons l’occasion de le chanter en live et de partager cette énergie avec notre public, c’est vraiment là qu’est le réel plaisir et que tous ces efforts trouvent leur sens !», s’enthousiasme Samia Tawil.

Elle joue régulièrement dans de grands festivals au Maroc comme celui de Mawazine où elle est très appréciée. Samia est d’ailleurs la première rockeuse féminine marocaine !

L’artiste enseigne également la philosophie dans des collèges, ce qui, outre le fait d’être sa seconde passion, lui permet de financer ses clips et ses enregistrements : «même si l’album s’est bien vendu, je reste une artiste indépendante et chaque chose que je sors est produite par moi seule, ce qui représente un gros investissement».

Un nouvel album en préparation
Son prochain album s’intitule Back to Birmingham Jail. Il parle des combats pour les droits civiques aux États-Unis. «J’avais envie de rendre hommage à cette fameuse lettre écrite par Martin Luther King depuis la prison de Birmingham. En la lisant lors de mes études en philosophie, j’avais trouvé magnifique qu’un homme enfermé de manière arbitraire ait encore cette force, cette liberté de penser et d’espérer un avenir plus juste malgré tout ce qu’il venait de vivre.»

La rédaction de Synergies a eu le plaisir de rencontrer une artiste généreuse, sensible et engagée qui, nous en sommes certains, aura la magnifique carrière qu’elle mérite. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la sortie dans les bacs de son prochain album!

Questions décalées

D’où vous vient votre sourire ?
Mon sourire vient de ma mère qui est elle-même pleine de joie de vivre, très souriante, très aimante et très tolérante. Elle est encore plus positive que moi ! J’ai tendance à lui dire qu’elle est parfois trop gentille avec des personnes qui ne sont pas toujours bienveillantes, mais en fin de compte, elle a raison ; elle sème un karma positif dans ce monde.

Quels sont vos passions ou hobbies ?
J’adore la danse. J’ai été danseuse professionnelle pour des artistes durant plusieurs années ; j’ai par exemple dansé pour Janet Jackson. Même si je danse un peu moins aujourd’hui, c’est toujours une passion. J’incorpore d’ailleurs toujours des parties instrumentales qui me permettent de danser lors de mes concerts et d’exprimer autrement ce que le message de la chanson véhicule.

Si vous pouviez retourner dans le passé, à quelle époque iriez-vous et pourquoi ?
Dans les années 70 pour aller voir des concerts de Janis Joplin, de Jimi Hendrix ou de Bob Dylan !

Quelle chanson vous file la pêche à coup sûr ?
Jungle Boogie de Kool and the Gang. J’adore cette chanson que ma mère écoutait quand j’étais jeune.

Racontez une anecdote où vous vous êtes retrouvée totalement ridicule.
Une fois, mes musiciens ont commencé le concert sans moi ! Ils n’ont même pas remarqué que je n’étais pas arrivée sur scène. Je me préparais une infusion avec du miel et du citron dans ma loge, tranquillement, quand tout d’un coup, j’entends le concert qui commence ! Je suis arrivée avec mon écharpe et ma tasse en ne comprenant pas ce qui se passait. C’était marrant !

Si vous pouviez avoir un super pouvoir, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?
Voler, pour voyager plus souvent ! J’aimerais retourner par exemple au Brésil où j’ai vécu pendant quelques mois. J’y faisais du volontariat et ai rencontré de magnifiques personnes.

Quelle est la gourmandise qui vous fait craquer à tous les coups ?
Les vermicelles de marrons.

Quel est votre plat préféré ?
J’adore la nourriture éthiopienne et indienne.

Ressenti de Samia Tawil sur la situation en Syrie
«La situation en Syrie me bouleverse. Mon grand-père a souvent les larmes aux yeux quand il regarde le journal télévisé. Je suis allée en Syrie il y a quelques années et savoir que ce pays est en train de disparaître et d’être rasé m’attriste beaucoup. C’est vraiment un massacre ! Rappelons que cela a commencé par des enfants, inspirés par les soulèvements du printemps arabe, qui ont tagué sur le mur de leur école : «dégage !». Le président a préféré bombarder son pays plutôt que de tendre l’oreille aux aspirations de son peuple, alors que ce n’était qu’un geste innocent de la part de jeunes qui souhaitent la liberté.

J’ai été très touchée également par le mouvement des Indignés ou Occupy qui m’ont donné une vague d’espoir lorsque ces événements ont commencé, et qui découlaient justement de ces soulèvements du printemps arabe. J’ai beaucoup écrit là-dessus dans mon album Freedom is Now, car je sentais que nous baignions dans un regain de liberté mondial, une prise de conscience, qu’un cri trop longtemps étouffé émergeait enfin à la surface. Même si la situation semble s’enliser et que les médias se détournent de ces problèmes, trop lassants pour le public, le cri est encore présent si l’on tend l’oreille, et je trouve qu’il est indispensable de continuer ce combat pour la dignité, et de rester conscients de ce qui se passe. Nous ne devons jamais tomber dans la résignation.

La philosophie
Mon mémoire de philosophie avait pour thème la désobéissance civile. Il parlait des théories de la révolution telles que celles de Martin Luther King, de Gandhi, des différentes philosophies de la non-violence. Depuis toute jeune, je m’intéresse à la philosophie sociale, en particulier le «Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes» de Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci est parfois considéré comme un idéaliste, mais je le trouvais très poignant dans ce qu’il dénonçait. Cela peut s’appliquer encore de nos jours. Je pense qu’il ne faut jamais s’habituer aux inégalités. Le monde n’est pas censé fonctionner de cette manière. Il est important de le rappeler continuellement. Il faut se réveiller.