Bonjour, merci de nous accueillir. Présentez-vous-en quelques mots.
Bonjour chers journalistes de Synergies ! C’est un plaisir de vous rencontrer. Tout d’abord, merci d’avoir fait ce long voyage pour venir m’interviewer. Je m’appelle Ania Cornue. Je suis une blatte géante de Madagascar et j’ai 3 ans. J’habite au 40, avenue des Souffleuses Géantes.
Comment les scientifiques vous nomment-ils ? Et de quelle famille faites-vous partie ?
Ils m’appellent Gromphadorhina portentosa. Je fais partie de la famille Blaberidae, c’est-à-dire, la deuxième plus grande famille de blattes. C’est l’entomologiste, chercheur en insectes, Carl Brunner Von Wattenwyl d’origine Suisse qui décrit pour la première fois notre famille en 1865.
Est-ce que votre espèce habite sur d’autres îles ?
Non, nous vivons exclusivement à Madagascar. Ma belle-famille vit dans les zones sombres de cette île, contrairement à ma famille qui a opté pour les zones humides.
Comment vous décririez-vous ?
Comme nous faisons partie des blattes géantes, nous sommes assez grandes. Je mesure 5 centimètres, alors que mon mari fait 9 centimètres. Notre corps est aplati et allongé. Il a une robe rayée de couleur cuivrée, rougeâtre et orangée, contrairement à notre tête qui est juste noire. Malheureusement, nous ne possédons pas d’ailes. Cependant, nous avons l’incroyable capacité de grimper sur n’importe quelle surface, grâce à nos six pattes adhésives. Nous avons tous des antennes et elles nous servent à nous repérer dans l’environnement et à percevoir les éventuels prédateurs comme les hérissons.
Comment peut-on différencier un mâle d’une femelle de votre espèce ?
Contrairement à moi, mon mari possède deux types de cornes qui lui servent à envoyer ses rivaux dans le décor. Les mâles ont le choix entre avoir de grandes cornes ou de grands testicules. En sachant que s’ils choisissent les cornes ils seront plus agressifs et auront plus de chance de gagner des combats. Néanmoins, s’ils prennent l’autre option, ils auront plus de descendances. Je suis plus volumineuse que mon mari, mais, celui-ci, a les antennes plus poilues.
Comment se passent les rapports sociaux entre vous ?
Nous sommes très sociables, même si un mâle a besoin de plusieurs femelles en sa compagnie. Cependant, il y a toujours un mâle alpha qui est reconnaissable, car c’est celui qui a les plus grandes cornes. Nous avons également nos copains les acariens « Androlaelaps schaeferi » qui vivent constamment sur nous. Ça ne nous dérange pas qu’elles squat, car elles font notre toilette au quotidien et elles peuvent également être notre goûter.
Quelle est la particularité de votre espèce ?
Nous sommes une espèce assez unique grâce aux sifflements que l’on émet à travers nos stigmates qui se trouvent sur notre abdomen. C’est pour cela qu’on nous appelle les blattes souffleuses. Nous avons plusieurs sifflements, un court pour nous défendre quand nous ressentons de la peur, un plus long que nous émettons lors des combats, puis un dernier pour que les mâles puissent nous séduire. Bizarrement les mâles ont le sifflement plus facile que les femmes et c’est uniquement eux qui utilisent les sifflements de drague et de combat pour se défier entre eux.
Serait-il possible que vous nous expliquiez ce qu’est un stigmate ?
Les zoologistes de votre espèce expliquent qu’il s’agit d’un trou qui se trouve sur notre corps relié généralement à notre système respiratoire.
Quelle est votre durée de vie ?
Nous vivons entre 2 et 5 ans en moyenne.
Quelle est votre température préférée ?
Nous aimons particulièrement les températures ambiantes, c’est-à-dire en moyenne 26°, mais nous tolérons jusqu’à 20°.
Êtes-vous des insectes nocturnes ?
Oui, je vis précisément la nuit et je reste cachée la journée. J’apprécie cela, je trouve que c’est la belle vie.
Quel est votre régime alimentaire ? Et comment arrivez-vous à manger sans dents ?
Nous mangeons principalement des fruits et des légumes grâce à nos mandibules qui remplacent les dents.
Je connais des personnes qui ont la phobie des insectes. Je peux me permettre de vous demander s’il y a un risque de vous trouver dans nos cuisines ?
Je vous effraie autant que ça ? Bon, pour vous rassurer, nous n’aimons pas vraiment nous introduire dans vos maisons, car on préfère rester tranquilles entre nous.
Au premier abord, les humains trouvent votre espèce repoussante. Qu’est-ce que vous ressentez vis-à-vis de cela ?
Ça me fait mal que les humains me trouvent si repoussante, mais je me trouve belle comme je suis.
C’est admirable de voir que même si ça vous blesse vous ne prenez pas en compte les dires des humains. Comment définiriez-vous votre caractère ?
Notre espèce est uniquement agressive lors des combats, car nous sommes de nature tranquille et sociable en temps normal.
Quel autre nom les humains aiment-ils vous donner ?
Dans le domaine scientifique, mon espèce se nomme blatte, mais dans le langage commun vous préférez employer le mot cafard. Ce terme s’est rependu grâce au poème « La destruction » écrit par Charles Baudelaire en 1857. Néanmoins, je suis très offensée par cet écrit, car on se permet de me comparer à un diable ! Je suis bien trop angélique pour être un démon.
Pourrions-nous vous comparer à un animal de compagnie ?
Votre question m’amuse beaucoup. Parce que vous savez quoi ? La réponse est oui. Certains d’entre vous souhaitent bénéficier de notre compagnie, car, en général vous nous trouvez sympathiques.
Comment se passe votre reproduction ?
Tout d’abord, il y a l’étape de la séduction ou mon compagnon doit émettre des sifflements afin d’attirer mon attention. Ensuite, je suis charmée par son odeur et dès qu’il s’approche de moi, nos antennes s’attirent tels des aimants. Dans un deuxième temps, nous nous mettons dos à dos pour nous reproduire. Pour finir, j’accouche deux mois plus tard. Cependant, afin de protéger mes petits je préfère les mettre dans ma poche qui se situe dans mon abdomen, comme font les kangourous. Je les garde entre 6 et 7 mois, le temps qu’ils muent 6 fois pour qu’ils atteignent l’âge adulte. Mes bébés sont nés blancs comme neige et se sont assombris au fil du temps. Néanmoins, nous continuons à muer durant toute notre vie.
Êtes-vous un insecte en danger d’extinction ?
Même si notre nombre exact est méconnu, nous ne sommes pas dans la liste rouge des espèces en danger.
Bien, merci de nous avoir accordé du temps pour faire cette interview.
Merci à vous.
Galerie Vidéo
Poème de Baudelaire
La destruction
Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon ;
Il nage autour de moi comme un air impalpable ;
Je l’avale et le sens qui brûle mon poumon
Et l’emplit d’un désir éternel et coupable.
Parfois il prend, sachant mon grand amour de l’Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.
Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
Haletant et brisé de fatigue, au milieu
Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes,
Et jette dans mes yeux pleins de confusion
Des vêtements souillés, des blessures ouvertes,
Et l’appareil sanglant de la Destruction !
Version chantée (générée par Suno.ai)