Dans la peau d’un Aye-Aye de Madagascar

Par Celya
Un Aye-Aye accroché sur les branches

Les journalistes de Synergies retournent à Madagascar pour interviewer Ernestine, la cousine de « Princesse Delta Émeraude », que nous avions rencontrée en janvier 2023.

Mademoiselle Ernestine est un lémurien Aye-Aye qui réside au cœur du quartier « Ala tropikaly » dans la forêt tropicale de Madagascar. Elle donne rendez-vous à l’équipe de Synergiesmag en pleine nuit pour une interview exclusive.

Présentez-vous en quelques mots.

Bonjour, chers journalistes de Synergiesmag ! C’est un plaisir de vous rencontrer. Merci d’avoir fait ce long voyage pour venir m’interviewer. Je m’appelle Ernestine, j’ai 5 ans et je fais partie de la famille des lémuriens Aye-Aye. Ma cousine, Princesse Delta Émeraude, m’a montré l’article que vous lui aviez consacré. Je l’ai adoré et cela m’a donné envie de vous parler de ma vie et de mon environnement.

Quelle est l’origine du nom Aye-Aye ?

Il y a deux explications possibles. La première viendrait de mon cri caractéristique, entendu par les explorateurs et les habitants locaux lors de leurs rencontres avec mes ancêtres. Il aurait ensuite été repris pour désigner mon espèce.

La seconde hypothèse repose sur une mauvaise interprétation du mot malgache « haï haï », qui signifie « malheur » ou « désastre ». Une superstition tenace veut que nous portions malheur, ce qui a malheureusement conduit à l’extermination de nombreux membres de mon espèce.

À vous de choisir l’explication qui vous plaît le plus !

Comment vous décririez-vous ?

J’ai de grands yeux ronds teintés d’orange, de grandes oreilles semblables à celles d’une chauve-souris, un pelage ébouriffé brun foncé et un doigt médian allongé et fin. Mon museau est court et fin, avec un petit nez discret.

Je mesure 30 cm, auxquels s’ajoutent les 40 cm de ma longue queue, semblable à celle d’un écureuil. Niveau gabarit, je suis un poids plume : à peine 2 kg !

Avez-vous une caractéristique originale ?

Oh que oui ! Je suis le seul primate à pratiquer une technique bien particulière pour trouver ma nourriture : le « percussion foraging », « le forage par percussion ».

Comment ça marche ? C’est simple : je tapote l’écorce des arbres avec mon doigt médian allongé, jusqu’à huit fois par seconde. En écoutant les échos, je détecte les cavités où se cachent de délicieuses larves d’insectes. Ensuite, j’utilise mes incisives tranchantes, qui poussent en continu comme celles des rongeurs, pour ronger le bois et atteindre ma proie. Mon long doigt osseux et flexible me permet alors de l’extraire délicatement et… miam !

Grâce à cette technique, je joue un rôle essentiel dans mon écosystème, un peu comme un pic vert parmi les mammifères. Je régule les populations d’insectes et, en mangeant des fruits, je contribue aussi à la dispersion des graines. Bref, je ne suis pas juste un animal étrange : je suis un véritable architecte de la nature !

Pourquoi nous avez-vous donné rendez-vous en pleine nuit ?

Je suis un animal nocturne ! Mes grandes oreilles sensibles me permettent de capter les moindres sons pour repérer ma nourriture, souvent cachée sous l’écorce des arbres. Mes yeux globuleux, parfaitement adaptés à l’obscurité, me permettent de me déplacer sans difficulté.

Et puis, mon pelage sombre et ébouriffé me rend plus difficile à repérer, ce qui me protège de mes prédateurs.

Quelle est votre espérance de vie ?

J’espère pouvoir gambader dans ma forêt jusqu’à l’âge de 23 ans !

Quelle est votre gourmandise préférée ?

Je suis omnivore, mais mon mets favori, ce sont les larves d’insectes ! Je ne me limite pas à ça : j’adore aussi les fruits sucrés, le nectar et parfois quelques petits invertébrés. Un vrai festin pour rester en forme toute la nuit !

Vous vivez la nuit, comment faites-vous pour vous reposer la journée ?

J’adore dormir, mais pas n’importe où ! Pour être en sécurité, je me construis un nid sphérique avec des branches et des feuilles, bien caché dans les arbres. Il ressemble à une grosse boule qui me protège des prédateurs.

Et comme je suis prudent, je ne me contente pas d’un seul nid : j’en construis plusieurs et je change régulièrement d’endroit. Quand je dors, je m’enroule sur moi-même et j’utilise ma longue queue touffue comme couverture. Mais attention, je garde toujours une oreille attentive aux bruits environnants. Au moindre danger, je me réveille en un éclair et je file me cacher !

Parlez-nous de votre vie quotidienne.

Je suis un grand solitaire ! J’aime explorer la forêt seul, sauf quand il s’agit de reproduction. Pour éviter les intrus, je marque mon territoire avec mes glandes odorantes. Une fois la nuit tombée, je suis toujours en mouvement, à la recherche de nourriture.

Comment se passe la reproduction chez vous ?

Nous n’avons pas de saison de reproduction précise : cela dépend de nos envies ! Les femelles ne donnent naissance qu’à un seul petit tous les 2 à 3 ans, ce qui rend notre espèce particulièrement vulnérable.

Mais quand un bébé Aye-Aye voit le jour, sa maman prend soin de lui pendant longtemps pour qu’il apprenne tout ce qu’il faut savoir sur la vie dans la forêt.

Vous sentez-vous menacé ?

Malheureusement, oui. Mon espèce est classée « En danger » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). La destruction de la forêt pour l’agriculture et la construction réduit notre habitat. Pire encore, certaines croyances font de nous des porte-malheur, et des humains nous tuent quand ils nous croisent.

Qui veille à votre protection ?

Heureusement, des actions sont mises en place pour nous protéger. Des réserves naturelles, comme celle de Nosy Mangabe, offrent un refuge sécurisé. Des programmes de reforestation permettent de préserver notre habitat.

Depuis les années 1960, nous sommes protégés par la loi à Madagascar et notre commerce est strictement encadré par des accords internationaux comme la CITES. De plus, des zoos et centres de conservation, comme le Duke Lemur Center, élèvent des Aye-Ayes en captivité pour assurer la survie de notre espèce.

Galerie vidéo

L’Aye-Aye, un lémurien au long doigt

L’aye-aye, un cousin du lémur qui alimente mythes et légendes

L’aye-aye, un chasseur aux techniques bien rodées